De l'enfant au berceau qui, faute de mots, pleure sa douleur jusqu'au
vieillard à la gorge nouée par l'angoisse de la mort, la souffrance
plane comme un oiseau de malheur au-dessus de chaque minute de nos vies.
Lorsqu'elle frôle de son aile un visage inconnu, nous détournons
le regard comme un talisman pour nous prémunir du mauvais sort. Lorsqu'elle
se pose sur un proche, nous voilà à court de mots, démunis,
vaincus...
Une soixantaine d'étudiantes et étudiants au baccalauréat
en sciences infirmières ont choisi de regarder la souffrance droit
dans les yeux afin d'apprendre à composer avec cette bête qui
ravage les corps et les âmes. Et aussi pour aider ceux qui doivent
la côtoyer chaque jour. Le groupe a réalisé une vaste
revue des volumes et récentes publications scientifiques traitant
de la douleur et de la souffrance, en plus de réfléchir et
d'échanger sur ces questions. Le résultat de leur démarche
vient d'être publié sous la forme d'un recueil de 300 pages
intitulé Garde, j'ai mal!!!
Une réalité quotidienne mal documentée
"L'idée du recueil, raconte la professeure Chantal Viens qui
a supervisé le travail, nous est venue l'hiver dernier à la
suite d'un colloque sur la douleur organisé par l'Association des
infirmières et des infirmiers en oncologie. Au cours de l'événement,
les participantes avaient déploré le manque de documentation
en français sur ce sujet".
Les étudiantes de son cours "Introduction aux soins infirmiers"
ont aussitôt saisi l'opportunité. "Le sujet de la douleur
ne devait occuper que 3 des 45 heures du cours, ce qui est bien peu pour
un sujet aussi important. Les étudiantes ont embarqué et elles
ont réalisé le projet en grande partie à l'extérieur
du cours. Ça leur a permis de voir en quoi elles peuvent être
utiles à la profession en plus de s'ouvrir à de nouveaux apprentissages
comme la recherche dans des bases de données et l'administration
du projet. Ce sont des choses très importantes parce que la profession
change et qu'on s'en va vers de nouvelles formes de pratiques en sciences
infirmières."
L'ouvrage présente, à l'intention des infirmières et
des professionnels de la santé, les multiples visages de la souffrance
et de la douleur à différents âges de la vie: douleurs
des prématurés, de l'accouchement, des tout-petits, des grands
brûlés, des cardiaques, des cancéreux, des sidatiques,
de ceux qui traversent un deuil. On y trouve aussi des approches traditionnelles
et alternatives utilisées pour soulager la souffrance. "Des
études ont montré qu'en général, les infirmières
et les médecins sous-estiment la douleur de leurs patients, poursuit
la professeure. De plus, seulement 50 % des types de douleurs sont efficacement
traités présentement."
Un best seller
Grâce à l'appui financier de la compagnie Janssen-Ortho, les
étudiantes ont pu éditer et assembler le recueil de textes.
Au cours de l'été, deux étudiants du groupe, Sophie
Turcotte et Christian Rochefort, ont contacté des infirmières
de la région pour faire la promotion de leur ouvrage et depuis, ils
en trimbalent des copies dans tous les événements publics
auxquels participent les infirmières. Déjà, 250 exemplaires
ont trouvé preneur principalement en milieu hospitalier et de soins
communautaires ainsi que chez les infirmières, les médecins
et les dentistes.
On peut se procurer l'ouvrage Garde, j'ai mal!!!, vendu au prix de
15 $, en s'adressant à l'École des sciences infirmières
(418 656-3356). À noter que les étudiantes remettront 10
% des profits générés par la vente du recueil à
la Maison Michel-Sarrazin.
Jean Hamann