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10 octobre 1996 ![]() |
Des biologistes du Centre d'études nordiques soutiennent que la pollution atmosphérique aurait peu contribué au dépérissement des érablières survenu dans les années 1980
«Il pleut à mourir», annonçaient les écriteaux que des milliers d'agriculteurs québécois avaient installés sur leur ferme, il y a quelques années, pour sensibiliser la population aux méfaits des pluies acides sur leurs érablières. À la lumière des travaux réalisés par les chercheurs Serge Payette, Marie-Josée Fortin et Claude Morneau, du Département de biologie et du Centre d'études nordiques, il y a lieu de se demander si les véritables responsables du dépérissement n'ont pas profité de la mauvaise réputation des pluies acides pour s'en tirer à bon compte.
Jusqu'à présent, soulignent les trois chercheurs, la plupart des chercheurs qui ont travaillé sur le dépérissement des érablières ont concentré leur attention sur les symptômes pathologiques, l'évolution de la maladie et les causes présumées du phénomène, en particulier l'acidification du sol des érablières. En revanche, il y a eu peu d'études écologiques sur la dynamique des peuplements frappés par le dépérissement et sur le rôle des perturbations naturelles, poursuivent-ils. Les chercheurs ont donc exploré cette avenue en reconstituant, pour la période allant de 1900 à 1989, le profil de la croissance annuelle des arbres telle que révélée par la largeur des anneaux de croissance. Pour reconstituer ces annales, ils ont échantillonné entre 12 et 15 érables bien portants dans 16 érablières réparties dans tout le sud du Québec, et autant d'érables attaqués dans 11 érablières.
Leurs résultats, publiés dans un récent numéro de la Revue canadienne de recherche forestière, révèlent d'abord que le ralentissement de croissance associé au dépérissement de la dernière décennie n'est pas sans précédent au Québec. En effet, d'autres épisodes de croissance réduite ont également eu lieu au début des années 1910 et 1950. Leurs données montrent de plus que les périodes de faible croissance sont associées à des années de sécheresse ou d'infestations d'insectes. Les érablières les plus durement frappées par le dépérissement dans les années 1980 auraient été simultanément victimes de sécheresse et d'épidémies d'insectes.
Depuis quelques années, notent les chercheurs, il y a reprise de la croissance des érables, ce qui illustre bien la grande adaptabilité et la robustesse des espèces arborescentes indigènes face aux perturbations naturelles.«Le dépérissement des années 1980 fait partie de la catégorie des perturbations naturelles caractérisant la dynamique des peuplements forestiers, et qui comprend entre autres l'action combinée ou isolée de la sécheresse et des infestations d'insectes et, dans une moindre mesure (qui reste encore à démontrer), celle du gel-dégel hivernal. La pollution d'origine anthropique ne paraît pas être, à cet égard, un facteur ayant joué un rôle clé dans le dépérissement des années 1980», concluent-ils.