3 octobre 1996 |
Le Centre de recherche interuniversitaire sur le béton (CRIB)
et la Ville de Québec ont fait descendre la science du béton
dans la rue. Jusque dans les fondations de la rue, devrait-on préciser.
Les deux partenaires mettent à l'essai une nouvelle technique de
réhabilitation de la chaussée qui, espèrent-ils, s'avérera
plus économique et plus écologique que celle utilisée
présentement.
Cette technique fait appel à une machine qui broie et pulvérise
sur place l'asphalte usée et ses fondations, puis intègre
ce mélange à un coulis de béton qu'elle étend
aussitôt. Le mastodonte laisse ainsi dans son sillage un mélange
de béton humide qui, une fois compacté et mûri à
l'eau pendant quelques jours, sert de fondations à la nouvelle chaussée.
Il ne reste alors qu'à sceller le tout à l'aide d'une mince
couche d'asphalte. «En recyclant sur place l'ancienne chaussée,
explique Michel Pigeon, directeur du CRIB et professeur au Département
de génie civil, on réduit la quantité de nouveaux matériaux
requis pour refaire la route, on diminue le nombre de voyages de camions
et on règle le problème de l'élimination des matériaux
de l'ancienne chaussée.»
Les essais, dont le coup d'envoi a été donné le 26
septembre en présence d'une centaine de personnes, se déroulent
dans un laboratoire à ciel ouvert, rue Borne, dans le parc industriel
Saint-Malo. Les chercheurs du CRIB ont préparé les sept mélanges
de béton mis à l'essai sur des sections de 75 mètres
de chaussée, en plus de collaborer aux travaux d'ajustement de la
machinerie «Au cours des deux prochaines années, nous allons
suivre les réactions du béton pour déterminer comment
il résiste à l'épreuve du temps et de l'hiver»,
explique Luc Boisvert du CRIB Les chercheurs peuvent compter sur la flotte
de poids lourds qui fréquentent quotidiennement le secteur pour mettre
la chaussée à rude épreuve.
Pour le moment, le projet ne dépasse pas la rue Borne mais, si les
résultats sont concluants, Québec n'hésitera pas à
étendre cette nouvelle technique à l'ensemble de son territoire.
«Il nous en coûte normalement 75 $ le mètre carré
pour refaire les fondations d'une rue, dit Pierre Gauthier, ingénieur
à la Ville de Québec. La nouvelle technique de réhabilitation
des chaussées, même si on ne la maîtrise pas encore parfaitement,
abaisse ce coût à 60 $. Et ça, sans compter la réduction
des coûts environnementaux de l'élimination des matériaux.»
Dentisterie de trottoirs
Il n'y a pas que les rues de Québec qui profitent des recherches
du CRIB. Entre 15 % et 20 % des 515 kilomètres de trottoirs de la
ville de Québec sont présentement à refaire. Les responsables
du dossier à la Ville estiment qu'il faudrait injecter 4 millions
de dollars par année pendant 20 ans pour les réparer et 3
millions par année pendant 10 ans pour maintenir l'état du
réseau.
Depuis trois ans, les chercheurs du CRIB participent à un projet
visant à mettre au point une technique de réparation en couches
minces des trottoirs. «Cette technique consiste à enlever la
partie endommagée du trottoir tout en conservant la partie du dessous,
explique Marcel Langlois du CRIB. On refait ensuite la surface avec des
mélanges de béton en s'assurant de l'adhérence entre
les deux parties.» Ce travail de dentisterie sur les trottoirs permet
d'économiser des sommes appréciables tant du côté
des quantités de béton nécessaires aux réparations
que de celui du transport et de l'élimination des matériaux
prélevés. Trois sections de trottoirs expérimentaux
ont été construites depuis 1994: 75 mètres rue Saint-Vallier,
100 mètres rue Louis-Fréchette et 100 mètres rue Saint-François.
Si on en juge par les données recueillies jusqu'à maintenant,
la réparations en couches minces coûterait 30 % moins cher
que la réfection totale des trottoirs.
Plus tôt cette année, la Ville de Québec a d'ailleurs
reçu le prix Innovation, remis par l'Association Béton Québec,
pour la qualité de ce projet. «Les résultats sont assez
concluants pour qu'on passe à l'étape suivante, estime l'ingénieur
Pierre Gauthier. L'an prochain, on va étendre les réparations
en couches minces au programme régulier de réfection des trottoirs.»
Ces travaux de recherche sur les trottoirs, de même que ceux menés
sur la rue Borne, s'inscrivent dans le cadre des activités de la
Chaire industrielle sur le béton projeté et les réparations
en béton, dont le titulaire est Michel Pigeon. La Ville de Québec
est l'un des dix partenaires associés à cette chaire qui a
officiellement vu le jour en janvier 1995.