3 octobre 1996 |
Étudiant en science politique et président des jeunes néo-démocrates du Québec, Karl Bélanger est porté par une foi à déplacer les Rocheuses
À priori, rien ne distingue Karl Bélanger des autres étudiants de sa génération. Il a accédé à l'âge adulte avec Nirvana entre les oreilles, il joue avec son ordinateur, participe à des groupes de discussions sur Internet partout dans le monde, travaille juste assez pour obtenir une note B, et se défoule au soccer. Pourtant, une grande partie de la vie de cet étudiant au baccalauréat n'aurait rien à envier à celle des croisés du Moyen-Âge. Si toutefois les preux chevaliers qui partaient reconquérir Jérusalem avaient eu le coeur pur et les intentions exemptes de calcul. Comme on entre en religion, Karl Bélanger a embrassé le programme politique du NPD et assume la présidence des Jeunes néo-démocrates du Québec et la vice-présidence fédérale, en plus de participer à un grand nombre de comités. Petit portrait d'un idéaliste.
Pour militer au NPD, surtout au Québec où l'élection d'un député fait figure d'événement rarissime, il faut vraiment une foi solide. Oubliez les grandes fêtes, les opportunités de carrière politique, les réseaux de contacts qui favorisent l'entrée dans la vie professionnelle. Le parti offre seulement à ses militants l'occasion de partir à la défense des grandes idées sociales, de pourfendre l'évasion fiscale contre les grandes corporations et d'utiliser le mot solidarité jusqu'à plus soif. C'est peu lorsqu'on considère la politique comme un tremplin, c'est énorme pour un militant qui se préoccupe du sort de ses semblables et que les inégalités révoltent.
Plus dure sera la chute
«Je n'accepte pas que Bell, qui a réalisé d'énormes
profits l'an dernier, coupe des postes. Ou qu'Irving expédie ses
capitaux aux Bahamas pour ne pas payer d'impôt, explique cet étudiant
au baccalauréat en science politique. Pendant ce temps, les programmes
sociaux sont décapités.» Malgré son âge
tendre, puisqu'il aligne 21 étés, Karl sait que les bonnes
idées ne mènent pas le monde. Il connait déjà
le goût amer de la déception électorale. En 1993, il
a participé à une élection partielle fédérale
à Jonquière. Même s'il a eu l'impression d'accomplir
une bonne campagne, les résultats du scrutin n'ont pas été
à la hauteur de ses espérances. Un dur coup pour ce candidat,
encore inexpérimenté, qui avait cru un instant que les élus
portaient les espoirs de leurs concitoyens, et non une simple étiquette
de parti.
Même si de doctes spécialistes dissèquent sur toutes ses facettes le désintérêt des jeunes pour la politique, Karl Bélanger, lui, mulitiplie les participations au comité d'action des francophones, à celui des affaires consitutionnelles, à la réunion sur l'avenir fédéral ou la stratégie de communication. Sans relâche, il voyage à travers le Canada, apprivoise l'autre solitude et trouve également le temps de siéger au comité disciplinaire de l'Université Laval, «pour (se) changer les idées.» Un engagement quasiment frénétique qu'il justifie par un furieux besoin d'être utile, et un goût immodéré pour la justice sociale.
Social-démocrate, un brin internationaliste et même animateur scout à ses heures, Karl Bélanger semble avoir trouvé chaussure à son pied avec le NPD. Les jeux de pouvoir et de coulisses, inévitables dans n'importe quel parti, n'ont pas réussi à lui faire perdre confiance dans les valeurs néo-démocrates. «Je joue franc-jeu, remarque-t-il. Le plus important, c'est de rester propre. J'ai eu bien des offres, après l'élection partielle, pour rejoindre les libéraux ou les péquistes. Mais je préfère rester au NPD car je crois en la solidarité humaine.» D'aucuns le trouveraient trop idéaliste, naïf ou membre d'une espèce en voie de disparition, celle des vrais idéologues. Au fond, il personnifie peut-être à sa manière l'innocence perdue, dans un monde toujours plus cynique.