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26 septembre 1996 ![]() |
La crédibilité constitue un critère essentiel dans
l'exercice de la profession d'avocat, estiment les juristes québécois.
Une forte personnalité, l'intelligence, la connaissance des lois
et la combativité figurent également au nombre des qualités
nécessaires que doit posséder tout avocat digne de ce nom.
C'est ce qui ressort, entre autres résultats, d'une enquête
menée par Geneviève Brisson, dans le cadre de son mémoire
de maîtrise réalisé sous la supervision de Jean-Jacques
Chalifoux, du Département d'anthropologie.
Pour les fins de son projet, Geneviève Brisson s'est inspirée
d'une étude américaine réalisée en 1982 auprès
de juristes de Chicago. De cette enquête, les auteurs ont dégagé
trois «idéaux-types» de l'avocat: le «Héros»,
présenté comme agressif, compétitif et énergique;
«l'Altruiste», de caractère aimable, compréhensif,
juste et accommodant; enfin, le «Retors», qualifié notamment
de fuyant, d'escroc et de manipulateur. Geneviève Brisson a ensuite
voulu savoir comment «réagissaient» les avocats québécois
à ces idéaux-types américains, en interrogeant et en
discutant avec 29 avocats de la région de Québec.
«Pour les avocats, la profession répond au type social du héros
parce qu'ils considèrent que leur titre leur attribue un statut privilégié
dans la société, affirme la chercheuse. Ils estiment que ce
statut leur permet d'occuper une position sociale importante, comparable
à celle des autres membres de l'élite traditionnelle au Québec,
comme par exemple les médecins.» Vivant constamment au coeur
des conflits, utilisant la parole pour se battre, l'avocat court constamment
des dangers et s'implique par ses actions. Son but: gagner sa cause. Des
exemples de super-héros rapportées par les avocats interrogés:
Guy Bertrand, Marcel Aubut, Serge Ménard et Laurence Corriveau.
Une grande oreille
Par ailleurs, l'idéal-type de l'avocat altruiste est perçu
par plusieurs intervenants comme la raison d'être de la profession.
Animés par le désir de rendre service et d'aider les gens
«dans la mesure du possible», ils considèrent que la pratique
du droit peut être un moyen d'améliorer la société
et de participer au changement social. Plusieurs des avocats rencontrés
associent d'ailleurs cet idéal-type à la pratique dans les
bureaux d'Aide juridique, là où la ligne de démarcation
entre les problèmes d'ordre juridique et ceux d'ordre social est
plutôt floue.
De même, certains avocats estiment que la notion d'aide est différente
pour les praticiens en droit civil et ceux en droit criminel, rapporte Geneviève
Brisson: «Certains praticiens en droit criminel se considèrent
parfois travailleurs sociaux car à Québec, disent-ils, "le
criminel c'est de la misère humaine" où "le côté
humain du travail apparaît très important". Par contre,
leurs confrères du civil sont associés à des questions
d'argent: ils "travaillent avec des sous, il n'y a pas de victime".»
L'avocat du diable
Finalement, le type du Retors est défini comme le pôle négatif
de la profession, opposé en cela aux types du Héros et de
l'avocat altruiste. Oui, on retrouve bel et bien des «filous»
et des «blagueurs», au sein de la profession, racontent les avocats
interrogés. Animés par la recherche du profit personnel, ceux-ci
utiliseraient des pratiques déloyales et abuseraient de leurs clients
et du système judiciaire. Cette attitude aurait pour effet de ternir
l'image de la profession auprès du public. En revanche, l'image négative
de l'avocat véhiculée au cinéma et à la télévision
serait hautement exagérée, estiment les participants à
cette recherche.