12 septembre 1996 |
Un diplôme universitaire de premier cycle devrait-il être
exigé pour devenir enquêteur à la Sûreté
du Québec et dans tous les corps de police municipaux? La question
mérite réflexion, surtout si l'acquisition de ce même
diplôme permet aux personnes concernées de mieux faire leur
travail, estiment des membres de la communauté universitaire interrogés
à ce propos.
«Les universités ne peuvent pas se défiler devant une
telle hypothèse, commente le doyen de la Faculté de droit,
André C. Côté. Il serait intéressant qu'une plate-forme
soit créée par l'intermédiaire du milieu policier pour
connaître les besoins éventuels de formation. Personnellement,
je verrais très bien l'implantation d'un programme de perfectionnement
sous forme de certificat, par exemple. Ce programme pourrait comporter des
éléments de formation juridique, psychologique et scientifique.»
On sait qu'un groupe de travail (externe au milieu universitaire) chargé
d'examiner les pratiques en matière d'enquêtes criminelles
au sein des corps de police du Québec recommandait récemment
que le ministère de la Sécurité publique établisse
le diplôme universitaire comme exigence minimale pour devenir enquêteur
à la Sûreté du Québec et dans tous les corps
de police municipaux. Dirigé par l'avocat Jacques Bellemare, le groupe
favorise un remaniement de la sélection et de la formation des enquêteurs,
en plus de proposer une nouvelle manière de procéder dans
le déroulement des enquêtes criminelles.
Un «plus» de toute façon
«Plus les personnes sont formées et plus elles sont susceptibles
d'être à la hauteur de la situation au travail», note
pour sa part Lise Darveau-Fournier, doyenne de la Faculté des sciences
sociales. À l'instar d'André C. Côté, elle croit
à la nécessité de procéder à une étude
des besoins, en interaction avec le milieu policier, si l'idée de
mieux armer nos enquêteurs - intellectuellement s'entend - faisait
son chemin dans notre université. Dans une telle éventualité,
la doyenne préconiserait une formation multidisciplinaire comprenant
des cours de sociologie, de psychologie, de droit et de science politique.
Des techniques à repenser
Selon Germain Trottier, criminologue et professeur à l'École
de service social, il est important que non seulement les enquêteurs,
mais aussi les policiers, possèdent certaines connaissances sur les
valeurs culturelles des gens des quartiers où ils sont en poste.
«Prenons le cas d'un jeune Haïtien pris en défaut qui se
fait traiter de "baveux" par le policier parce qu'il garde la
tête baissée devant lui. Si le policier en question savait
que le jeune a appris, dans sa culture, à ne pas regarder le parent
ou un supérieur en face, c'est-à-dire à ne pas défier
l'autorité, les choses se passeraient parfois autrement.»
Faut-il pour autant exiger de l'enquêteur ou du policier qu'il fasse
ses classes à l'université avant d'être «relâché»
dans la société? Théoriquement parlant, il serait souhaitable
qu'une formation en droit ou en sociologie soit appliquée, indique
Germain Trottier. La formation actuellement offerte aux futurs policiers
dans les cegeps est trop axée sur les techniques, négligeant
des aspects importants comme la psychologie de la persuasion et la tolérance.
C'est peut-être par là qu'il faudrait commencer.»