La dame de Chypre de Jacques Desautels
La dame de Chypre de Jacques Desautels
LA QUÊTE D'UNE RÉGÉNÉRATION
À n'entendre que le mot, Chypre, nous voilà dès l'instant
transportés dans un monde bien singulier. Chypre lointaine, et si
près à la fois, les distances ne comptent guère; Chypre
historique au passé tumultueux, et Chypre, aujourd'hui, une terre
pour laquelle on n'a cesse de vouloir se la partager ou se l'approprier...
Cette île méditerranéenne, Jacques Desautels nous la
fait mieux connaître et il nous convie à goûter aux plaisirs
que nous offre son deuxième roman, La dame de Chypre.
Le récit nous fait remonter le temps, jusqu'à dix siècles
avant J.-C. Dans ce cadre si lointain où évoluent les personnages,
Jacques Desautels est tout à fait à l'aise. Professeur de
mythologie et lettres classiques à l'Université Laval, Desautels
nous offre le partage de ses connaissances historiques du temps et du lieu;
on ne saurait être plus rassuré quant à l'authenticité
des rites et coutumes de cette époque. Nous sommes en Israël.
Les forces physiques du roi David diminuent lamentablement. L'homme aux
300 femmes a en outre perdu sa puissance virile. Un tel drame affectait
David profondément au point qu'il n'osait plus se regarder nu dans
la plaque de bronze poli devant laquelle on l'habillait le matin. Ce roi,
puissant, brave et courageux devant l'ennemi - n'a-t-il pas vaincu, à
une époque, le géant Goliath, ressentait dans son corps l'irréparable
outrage des ans. Il avail vieilli, et en plus de l'attrister, cela le révoltait.
«...un homme qui ne peut plus émettre de semence n'est rien.
Il est déjà mort.»
Son peuple s'inquiétait de ne plus le voir et la nouvelle de son
vieillissement et d'une possible maladie s'était vite répandue
dans tout le royaume. Aysu, la femme préférée de David,
a bien su donner à son maître les attentions délicates
que nécessitait son état. Musicienne, cette femme hittite
lui procurait des heures bénéfiques quand il l'invitait à
chanter les airs de son pays. Mais cela n'était pas suffisant. David
s'en rendait bien compte. Puisant dans ses souvenirs, les jours où
ses forces lui permettaient, il se remémorait ses plus beaux moments,
ses exploits; il revoyait les images de sa jeunesse, son état de
«jeune mâle agressif»; il repensait à cette femme
de Chypre qu'il avait un jour rencontrée, servante d'une Grande Déesse
qui n'était pas inconnue en Israël.
Aysu et tout l'entourage de David s'affairèrent à trouver
les meilleures solutions pour soulager l'homme; on fit venir les meilleurs
guérisseurs. Mais, de David lui-même, allait venir la lumière...
C'est ainsi qu'il confia à sa fidèle servante, Aysu, la mission
de se rendre à Chypre pour s'informer de la Grande Déesse
dont la prêtresse Aspasie n'avait jamais quitté son souvenir.
Pourrait-on trouver là-bas ce quelque chose qui viendrait secourir
David, qui le réhabiliterait et régénérerait
en lui la vie qui le quittait? Aysu, escortée de Daniel et de quelques
hommes du palais, quitta pour Chypre... Elle se devait de faire honneur
à cette requête. La réussite de ses démarches
vaudrait non seulement pour David mais pour tout un peuple...
Dans cette histoire touchante, un drame humain se vit, celui auquel nul
n'échappera. Le lecteur, par ailleurs, sera séduit par la
richesse et la beauté de la langue. La finesse des phrases et le
choix judicieux des mots sont une constante qui ne s'estompe à aucun
moment de la lecture de La dame de Chypre.
La dame de Chypre. Jacques Desautels. L'Hexagone, 1996, 220 p.
Jean Bilodeau