Mourir de la fumée des autres?
Mourir de la fumée des autres?
L'Université Laval respecte les normes pour les taux de
ventilation d'air neuf. Mais...
Pour se conformer aux nouveaux standards de ventilation qui seront émis
cette année par l'American Society of Heating, Refrigeration and
Air Conditioning Engineers (ASHRAE), sans devoir investir des centaines
de milliers, voire des millions de dollars en réaménagement
et en traitement, l'Université Laval devra, un jour ou l'autre, faire
respecter sa Politique visant à assurer la protection contre le fumée
de tabac à l'Université, en vigueur depuis le 1er septembre
1995... À moins que, à la suite d'un revirement de civisme
inattendu ou d'une prise de conscience inhabituelle, les fumeuses et les
fumeurs récalcitrants du campus prennent sur eux d'obtempérer
à ce règlement de santé publique.
C'est la conclusion que l'on peut tirer d'une entrevue qu'ont accordée
au Fil Louis Côté et Guy Lemire, respectivement ingénieur
et chef de la Division «réseaux» du Service des terrains
et bâtiments.
Ventilation et qualité sont deux choses
L'Université se conforme aux normes en vigueur (ASHRAE 62-1989) pour
les taux de ventilation d'air neuf, assurent-ils. Mais l'organisme américain,
auquel se réfèrent plusieurs gouvernements lorsqu'ils ont
à réglementer la qualité de l'air des édifices,
élevera son standard de ventilation en 1996. «Une augmentation
de sept fois l'apport d'air extérieur est prévue dans les
édifices où nous avons la présence de fumeurs»,
précisent Louis Côté et Guy Lemire.
Le taux d'air neuf, qui est présentement de 10 litres/ seconde/ personne,
«rencontrera» de justesse les nouvelles normes minimales; il pourrait
grimper jusqu'à 67l/sec/pers à cause des fumeurs.
Les systèmes de ventilation ou de climatisation de l'Université
Laval reprennent au moins 75 % de l'air intérieur et le «recircule»
dans chaque édifice (sauf dans les laboratoires, où il est
entièrement remplacé par du «frais»). Si les systèmes
de filtration sont conçus pour éliminer la majeure partie
des contaminants (pollen, poussière fine, etc.), le recyclage de
la fumée de cigarette demande, lui, l'utilisation de filtres à
haute efficacité comme ceux utilisés dans les hôpitaux.
Par exemple, on se sert actuellement sur le campus de filtres conçus
pour les édifices à bureaux, dont le taux de filtration se
situe approximativement à 35 %. Dans les établissements hospitaliers,
les types de filtres employés font grimper ce taux à 80 %.
Rien n'assure, de plus, que ces filtres ­p; quels qu'ils soient ­p;
réussissent à «intercepter» toutes les particules
cancérigènes de la fumée de cigarette, qui se calculent
en microns: la grandeur des certaines matières particulaires de cette
fumée se situe bien en deçà d'un micron (un millionième
de mètre). Des microns qui risquent de coûter des millions...
ou de vous coûter vos poumons!
Fumeurs passifs
«Malgré tous les efforts financiers que pourrait consentir l'Université,
la fumée de cigarette doit être véhiculée par
l'air de la pièce avant d'être filtrée. Elle oblige
donc la personne qui ne fume pas à respirer l'air contaminée
de la pièce», explique Louis Côté.
En optant pour une politique de protection de la santé de ses membres,
axée sur le bannissement plutôt que sur l'investissement, l'Université
Laval appuie, en quelque sorte, Santé Canada qui crie bien fort,
blanc sur noir, depuis quelque temps, dans ses messages télévisés:
des milliers de non-fumeurs meurent chaque année, au pays, d'un cancer
du poumon causé par la fumée «des autres».
GABRIEL CÔTÉ
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