Deux étudiantes, premières au Concours Pierre-Basile-Mignault
Plaideuses de choc
Deux étudiantes de la Faculté de droit ravissent les
premières places au Concours Pierre-Basile-Mignault.
Lorsqu'elles montent sur les planches du tribunal pour plaider une cause,
Annie Blanchard et Andrée-Anne Gagnon éprouvent des sentiments
similaires à ceux que peuvent ressentir deux comédiennes juste
avant d'entrer en scène. Malgré le fait qu'elles «répètent»
depuis des semaines, le trac les ronge jusqu'à la moelle des os et
leur coeur bat la chamade. L'espace d'un moment, ces futures avocates doutent
de leur capacité à livrer le message, puis tout s'éclaire
au lever du rideau. Leur seule et unique mission consiste alors à
convaincre le juge qu'elles ont raison sur la cause débattue en cour.
«La plaidoirie, c'est la cerise sur le sundae, la récompense
ultime, le raffinement porté à son comble», font valoir
Annie Blanchard et Andrée-Anne Gagnon, deux étudiantes de
la Faculté de droit ayant respectivement remporté les prix
de premier et de deuxième plaideur-plaideuse au Concours de plaidoirie
Pierre-Basile-Mignault qui a eu lieu en janvier. Outre l'Université
Laval, six facultés de droit formant les juristes de droit civil
y participaient: l'Université McGill, l'Université de Montréal,
l'Université d'Ottawa (section de droit civil), l'Université
de Sherbrooke et l'UQAM, où s'est déroulé le concours.
La cause en appel à défendre était la suivante: un
homme a utilisé des informations confidentielles obtenues lors de
négociations pour acheter des terrains que la partie avec laquelle
il négociait voulait également acquérir. Formant le
tandem intimé, c'est-à-dire la partie appuyant le jugement
de première instance, les deux étudiantes de la Faculté
de droit de l'Université Laval avaient pour adversaires le tandem
intimé de l'Université de Sherbrooke.
La pointe de l'iceberg
«Derrière la plaidoirie se cache tout un travail de recherche,
souligne Annie Blanchard. Nous devions rédiger un mémoire
qui constitue en quelque sorte la base de la plaidoirie, d'où la
nécessité de lire sur une foule de sujets, en l'occurrence
la notion de bonne foi, les abus de droit, la question du soulèvement
du voile corporatif et j'en passe. Parfois, nous pouvions nous pencher pendant
une quinzaine d'heures sur une question, avant de nous apercevoir que cela
n'ajoutait rien à notre travail.»
Après bien des nuits blanches, Annie et Andrée-Anne finissent
par accoucher de leur mémoire, non sans l'avoir remanié à
cinq ou six reprises, constamment soutenues dans leurs efforts par Marie-France
Chabot, responsable de formation pratique à la Faculté de
droit et Sylvette Guillemard, chargée de cours. N'ayant jamais suivi
de cours de plaidoirie, ces avocates en herbe ont appris l'abc de l'art
de plaider (à quatre semaines du Concours), enchaînant pratique
sur pratique devant un auditoire constitué de professeurs et de juges,
éliminant les gestes et attitudes qui peuvent indisposer un juge
comme un ton de voix trop élevé, un maintien inadéquat
ou un comportement arrogant. Avec humour, elles rappellent ce moment où,
gagnées par la fatigue et la nervosité, elles ont nommé
les juges «Vos Compagnies» au lieu de «Vos seigneuries».
«Plaider, ce n'est pas comme réciter un texte, explique Andrée-Anne
Gagnon. Les juges nous interrompent fréquemment afin de voir s'il
existe des failles dans l'argumentation. En plus de pouvoir répondre
clairement aux questions, il faut être capable de reprendre le fil
de nos idées.» «Quand on écrit, on peut toujours
se reprendre. En revanche, il n'existe pas de deuxième chance quand
on parle, indique pour sa part Annie Blanchard. En fait, la meilleure plaidoirie
au monde ne sert à rien si on ne réussit pas à séduire
le juge et à le convaincre qu'on a raison.»
RENÉE LAROCHELLE
-30-