Natali Caron en Tchétchénie
Profil
Une battante au Daghestan
Étudiante en science politique, Natali Caron vient de vivre,
sur le terrain, le ressac du conflit en Tchétchénie. Et demain,
elle sera ailleurs.
La démarche est souple, le sourire chaleureux, la poignée
de main énergique. Sorte de Bob Morane au féminin, Natali
Caron ne passe certes pas inaperçue. En fait, ce qui frappe d'abord
chez cette grande fille de 1 m 80 n'est pas tant son gabarit que l'intensité
de son regard. Un regard bleu, limpide et attentif, qui ne vous lâche
pas tout en vous laissant étonnamment libre d'aller et venir dans
vos pensées.
Hormis ce physique particulier, Natali Caron possède, à 25
ans, une feuille de route impressionnante. Se sentant un peu à l'étroit
dans son statut d'étudiante en science politique, cette globe-trotter
devant l'Éternel - et éternelle idéaliste - quittait
Québec pour Moscou, en mai dernier, dans le but d'y trouver un organisme
humanitaire qui voudrait bien de ses services. Finalement engagée
par une ONG (organisation non gouvernementale) française, elle part
pour le Daghestan, république voisine de la Tchétchénie
qui accueille les réfugiés tchétchènes, en majorité
des femmes et des enfants.
Des conditions horribles
«Mon rôle consistait à redonner un horaire fixe et à
proposer des activités à ces personnes afin de les réinsérer
dans la vie courante et de donner en quelque sorte un sens à leur
vie, explique Natali Caron. Parmi ces activités figuraient le tissage
et le tricot, sans compter l'organisation de repas, de fêtes et de
jeux.» Vivant dans une famille tchétchène en compagnie
de 15 jeunes Français qui exercaient grosso modo les mêmes
fonctions qu'elle, la jeune femme spécifie qu'elle a été
nourrie et logée comme une reine, comparé aux conditions de
vie de la population:
«Dans les hôpitaux, les conditions de vie sont horribles. Par
exemple, le personnel infirmier n'a aucune nourriture à offrir aux
malades et compte exclusivement sur les denrées qu'apportent la famille
ou les amis. Imaginez ce qui se passe quand un malade ne reçoit jamais
de visite...» Sans avoir vu la mort de près, Natali affirme
avoir souvent senti le danger rôder autour d'elle, l'unanimité
étant loin d'être acquise sur l'aide humanitaire apportée
par les étrangers aux réfugiés Tchétchènes.
La loi du silence
La frousse de sa vie, elle l'a eue à un poste frontière, alors
que des soldats tchétchènes à moitié ivres l'ont
forcée à sortir du camion qu'elle conduisait pour l'interroger
durant quatre ou cinq heures sur sur ses allées et venues, avant
de la laisser repartir. Maîtrisant assez bien le russe, Natali a tenté
tant bien que mal d'expliquer à ces militaires en mal de distraction
qu'elle oeuvrait pour un organisme humanitaire. De cette expérience
pour le moins traumatisante, la jeune femme a tiré une leçon:
«Dans ces cas-là, c'est toujours la loi du silence qui prévaut.
Il faut répéter qu'on ne comprend pas la langue et, surtout,
ne pas s'engager dans des discussions qui ne mènent nulle part.»
Quand on lui demande ce qui l'a poussée à s'expatrier pour
aller secourir de parfaits inconnus, Natali répond simplement qu'elle
a «le goût d'aider le monde». Persuadée qu'une petite
action - la sienne - peut aider une grande cause, cette «fille de terrain»
considère important que chacun fasse sa part en ce bas monde pour
le bien-être commun. Son rêve? Devenir correspondante pour un
grand quotidien ou pour une chaîne de télévision: «Il
y a trop d'informations qui doivent sortir de l'ombre.»
Les portes magiques
Fermement convaincue que les voyages forment la jeunesse, Natali a vu du
pays, comme on dit. En 1991, alors qu'elle était tout juste âgée
de 20 ans, la belle aventurière a quitté famille et patrie
pour une durée d'un an, avec 800 $ en poche et beaucoup d'espoir
au coeur, passant d'un continent à l'autre avec l'aisance d'une femme
du monde. Pour renflouer son porte-monnaie, elle a entre autres cueilli
des piments en Australie, récolté des poires sur une ferme
en Nouvelle-Zélande et travaillé dans une auberge de jeunesse
à Tahiti. «Je crois que j'inspire confiance aux gens»,
dit-elle seulement pour expliquer le fait que les portes s'ouvrent facilement
devant elle.
En attendant de repartir vers d'autres aventures, que ce soit pour soulager
les misères du monde ou pour faire la lumière sur la réalité
d'un coin de la planète, Natali Caron savoure chaque instant de sa
vie. Possédant une conscience aiguë du temps qui passe et qui
ne revient jamais, elle croit que personne au monde n'a le droit de perdre
du temps. Car le temps presse pour ceux qui aiment.
RENÉE LAROCHELLE
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