Médecine: la fin des cadavres?
15 février 1996
Médecine: la fin des cadavres?
La Faculté de médecine jongle avec l'idée de remplacer
les cadavres par des logiciels dans les cours pratiques d'anatomie humaine.
En effet, le Comité d'administration de la Faculté a déposé
un avis en ce sens et une consultation est présentement en cours
afin d'évaluer l'impact d'une telle mesure sur la formation dispensée
aux étudiants et sur l'accréditation des programmes. «On
économiserait environ
200 000$ par année si on abandonnait ce mode d'apprentissage, dit
le doyen Louis Larochelle. Dans le contexte actuel où la direction
de l'Université nous demande de réduire nos dépenses
de 15%, c'est une avenue qu'on se devait d'examiner sérieusement.»
Le doyen estime qu'environ 500 étudiants s'initient chaque année
à l'anatomie en utilisant des cadavres. Ces étudiants proviennent
non seulement du programme de médecine mais aussi de physiothérapie,
d'ergothérapie, de médecine dentaire, d'éducation physique
et de sexualité humaine. Les étudiants de pharmacie reçoivent
également une dizaine d'heures de formation au laboratoire d'anatomie
pendant leur programme.
Il faut environ une soixantaine de corps par année pour répondre
aux besoins de formation de tous ces étudiants. «Il ne s'agit
pas de corps non réclamés, précise le doyen. La presque
totalité des cadavres proviennent de gens qui ont exprimé,
par volonté testamentaire, le souhait de léguer leur corps
à la médecine. Les proches sont au courant et même si
les défunts ont tous eu des funérailles, nous faisons célébrer
une messe à leur mémoire à la fin de l'année.»
En moyenne donc, un cadavre sert à l'apprentissage de plus de huit
étudiants dans une même année. «Ceci est possible
parce que les étudiants ne dissèquent pas les corps comme
tel, précise le doyen. Ils observent les structures anatomiques sans
les enlever. Tous les corps sont préparés à l'avance
pendant l'été.»
De toute façon, l'abandon des cadavres aurait peu de conséquences
sur l'apprentissage des habiletés chirurgicales des médecins,
estime Louis Larochelle, puisqu'il y a une grande différence entre
la dissection et la chirurgie. «Disséquer, c'est une façon
d'ouvrir les tissus pour les rendre bien visibles à l'observateur.
Lorsqu'on opère, on essaie d'en ouvrir le moins grand possible et
d'aller droit au but. Les résidents en chirurgie acquièrent
vraiment leur savoir-faire en assistant des chirurgiens pendant cinq années
et non en pratiquant sur des cadavres.»
La Faculté de médecine a mis à l'essai le logiciel
d'anatomie ADAM qui, sans être parfait, donne de bons résultats.
«On voit bien les différentes structures anatomiques mais, de
là à savoir si ce mode d'apprentissage peut remplacer les
cadavres, il faudra attendre la fin des consultations», dit le doyen.
L'abandon des cadavres marquerait la fin d'une longue tradition à
la Faculté de médecine. En effet, ce mode d'apprentissage
de l'anatomie existe depuis la première année d'existence
de la Faculté en 1854. Précisons que la même réflexion
est présentement en cours dans les autres facultés de médecine
du Québec, notamment à l'Université de Montréal
qui vient de trancher en faveur du logiciel Human Project pour ses cours
d'anatomie. «On réalise partout que les laboratoires d'anatomie
avec cadavres coûtent cher et si on ne ferme pas le nôtre complètement,
on va sûrement examiner comment on pourrait en réduire les
coûts», conclut Louis Larochelle.
JEAN HAMANN
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