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20 juin 1996 ![]() |
À la mi-juillet, vous croiserez peut-être sur le lieux de
vos vacances au Lac-Saint-Jean ou à Rivière-Ouelle, dans Kamouraska,
des scientifiques le nez enfoui dans les tourbières. Lors de deux
congrès à l'Université Laval, l'un organisé
les 12 et 13 juillet sur la restauration de tourbières, l'autre les
13 et 14 juillet, sur la biologie des sphaignes, des spécialistes
de nombreux pays ou du Canada vont en effet échanger leurs connaissances
sur l'hydrologie des tourbières, leur écosystème, ou
la classification des sphaignes et leur biologie. La question de la restauration
des tourbières prend en effet une importance grandissante pour l'industrie
de la tourbe qui se heurte parfois à l'opposition de groupes environnementaux
qui lui reprochent de détruire les milieux humides.
Depuis trois ans, une équipe de recherche de la Faculté des
sciences de l'agriculture et de l'alimentation travaille, sous la direction
de Line Rochefort, à réhabiliter ces sites, exploités
parfois depuis plusieurs générations. Isolant pour serviettes
sanitaires, philtre pour boues d'épuration ou pour absorber les déversements
d'huile, combustible, bains thérapeutiques: les utilisations de la
tourbe ne se limitent pas à l'allègement des potagers trop
argileux ou à la plantation des arbres. Au Québec, la production
de sphaigne représente annuellement plus de 250 000 tonnes dont une
majorité se retrouve sur le marché américain et européen.
Certains pays gros consommateurs de tourbe, comme l'Irlande, qui la brûle,
ou la Finlande, disposent de moins en moins de tourbières capables
de subvenir à leurs besoins.
Passer la balayeuse
Cet écosystème particulier prend en effet une très
longue période à se former. Souvent situées dans des
milieux acides mal drainés, les tourbières permettent l'accumulation
de végétaux, ce qui donne la sensation de marcher sur un tapis.
Pour récolter la mousse de sphaigne, les exploitants assèchent
le sol, puis enlèvent la végétation de surface à
l'aide d'aspirateurs géants. Année après année,
ils aspirent quelques centimètres de terre organique jusqu'à
ce que les végétaux soient trop décomposés.
Ils se déplacent alors un peu plus loin dans la tourbière,
laissant le site complètement à nu, puisque les organismes
vivants ont été prélevés à une bonne
profondeur.
«Les tourbières abritent une faune et une flore caractéristiques,
remarque François Quinty, professionnel de recherche dans l'équipe
de Line Rochefort. Certaines plantes carnivores y vivent. Des oiseaux comme
la pauline à couronne rousse y font leur nid.» Pour éviter
que les tourbières, qui metttent plusieurs milliers d'années
à se former, ne se transforment en cratères lunaires, les
chercheurs tentent de favoriser la repousse de sphaigne et de réimplanter
d'autres espèces de plantes-amies, comme la cassandre ou le thé
du labrador, sur les parcelles exploitées.
Parfois, ils créent des conditions propices au milieu humide en modifiant
la topographie afin de favoriser la repousse dans des creux, ou ils ajoutent
de la paille à la surface pour conserver une couche d'air plus fraîche.
Dans d'autres tourbières, ils essaiment des morceaux de sphaigne
sur les parcelles puis tentent de trouver le bon dosage de fertilisant qui
favorise leur repousse. Jusqu'à présent, leurs différentes
tentatives ont permis de recouvrir jusqu'à 20 % de la surface des
portions de tourbières à l'essai. Un résultat assez
encourageant puisqu'il permet aux insectes, aux micro-organismes, aux champignons
de s'installer à nouveau dans leur milieu. L'industrie de la tourbe
suit attentivement leurs travaux car la règlementation gouvernementale
pourrait bientôt les obliger à restaurer les sites dégradés