20 juin 1996 |
D'ici quelques semaines, Laurent Drissen, Carmelle Robert et Jean-René
Roy, trois
astrophysiciens du Département de physique de la Faculté des
sciences et génie, annonceront officiellement, dans une publication
scientifique, la découverte d'un objet céleste très
rare: une étoile lumineuse bleue variable (LBV).
Jusqu'à maintenant, seulement cinq étoiles LBV ont été
répertoriées dans notre galaxie et, au total, on n'en connaît
qu'une vingtaine dans tout l'Univers.
Située à 10 millions d'années-lumière de la
Terre, cette étoile portera le nom de NGC 2363-V1 en raison du fait
qu'elle est la première étoile variable découverte
dans la région de formation d'étoiles NGC 2363. Sa masse atteint
environ 60 fois celle du Soleil et sa luminosité s'est accrue d'au
moins 25 fois depuis 1992, ce qui en fait l'étoile la plus lumineuse
de toute sa galaxie.
«Ce type d'étoile a une existence qui varie de 3 à 5
millions d'années et celle-ci est arrivée à la fin
de sa vie, commente Laurent Drissen. Sa luminosité a augmenté
rapidement parce qu'elle traverse présentement une période
d'instabilité pendant laquelle elle expulse ses enveloppes externes
dans l'espace à de très grandes vitesses, ce qui augmente
la quantité de photons qui s'en échappent. Éventuellement,
on ne peut pas prévoir dans combien de temps cependant, elle explosera
en supernovae. En suivant son évolution, nous allons pouvoir mieux
comprendre les phases qui précèdent la mort des étoiles
massives» (une catégorie d'étoiles qui, comme NGC 2363-V1,
ont une masse se situant entre 15 et 100 fois celle du Soleil).
Grâce au télescope spatial Hubble
L'observation de cette étoile a eu lieu le 8 janvier 1996 alors que
le télescope Hubble
récoltait des images pour le compte des trois chercheurs dans une
région de formation
d'étoiles appartenant à la galaxie NGC 2366. Il a cependant
fallu un mois avant que
les chercheurs ne confirment l'observation de cette étoile. «Les
images prises par le
télescope Hubble sont d'abord transmises à l'Institut du télescope
spatial à Baltimore
qui nous les fait ensuite parvenir sur cassette. En temps normal, explique
Laurent
Drissen, le délai est d'environ dix jours mais, cette fois-ci, à
cause d'une tempête de
neige qui a paralysé la région de Washington-Baltimore pendant
plus d'une semaine,
on n'a reçu les images qu'à la fin janvier.»
Les trois chercheurs, qui étudient depuis 1991 la région de
l'espace où l'étoile a été
observée, ont rapidement constaté la présence de cet
objet incongru. «Nous avons
aussitôt comparé les images prises par Hubble à celles
que nous et d'autres
chercheurs avions obtenues précédemment à l'aide du
télescope
Canada-France-Hawaii, ce qui nous a permis de confirmer que l'étoile
a commencé à
être visible en 1992», dit Laurent Drissen.
Encore incertains de la nature exacte de l'objet qu'ils avaient sous les
yeux, les trois
chercheurs ont profité d'une période d'observation obtenue
au télescope
Canada-France-Hawaii, entre le 7 et le 9 février, pour refaire des
images de l'étoile et
effectuer une analyse de la lumière qu'elle émet. Dès
que les données ont confirmé
l'hypothèse de l'étoile LBV, le trio Drissen-Robert-Roy, fidèle
à la tradition prévalant
dans le monde de l'astronomie, a annoncé sa découverte à
la communauté
scientifique par le biais d'un message adressé à l'Union astronomique
internationale.
Des astres favorables en février
Les étoiles LBV comptent parmi les étoiles les plus lumineuses,
seules les
supernovae les surclassant à ce chapitre. La lumière qu'elles
émettent,
particulièrement intense dans le bleu du spectre, implique que leur
température est
très élevée (entre 10 000 et 40 000 degrés Celsius).
Enfin, on les dit variables parce
que leur luminosité fluctue dans le temps. Ainsi, une des étoiles
LBV de notre galaxie,
Eta Carinae, peu visible dans les années 1830, est devenue l'objet
le plus brillant du
ciel entre les années 1840 et 1860.
Les astres auront été favorables au trio Drissen-Robert-Roy
en début février puisqu'en
quelques jours à peine, ils confirmaient successivement la découverte
d'une étoile
LBV et d'une supernova. Cette dernière observation, survenue dans
la soirée du 9
février à Hawaii alors que Laurent Drissen et l'étudiant-chercheur
Yvan Dutil scrutaient
la galaxie NGC 1614, est un événement plus commun sur le plan
scientifique
puisqu'une cinquantaine de nouvelles supernovae sont observées chaque
année.