6 juin 1996 |
En 1950, le magazine américain Vogue confie à une photographe
new-yorkaise, Lida Moser, le soin d'effectuer un reportage photographique
sur le Canada, d'un océan à l'autre. En arrivant à
la gare Windsor à Montréal, en juin de la même année,
elle rencontre, par hasard, Paul Gouin, alors conseiller culturel auprès
du gouvernement Duplessis. Cette rencontre fortuite amène la jeune
femme à troquer la tournée prévue au Canada pour une
virée au Québec.
Armée de sa caméra et guidée dans ses recherches par
l'abbé Félix-Antoine Savard, le folkloriste Luc Lacourcière
et Paul Gouin, Lida Moser découvre et capte sur la pellicule un Québec
traditionnel encore peu touché par la modernité et l'urbanisation.
C'est ce Québec d'avant la Révolution tranquille que vous
découvrirez en allant visiter l'exposition Québec 1950 vu
par Lida Moser aux Archives nationales du Québec, sises au pavillon
Louis-Jacques-Casault.
Tout au long de son périple dans ce «Nouveau Monde» qui
s'offre à ses yeux, Lida Moser découvre une région,
un peuple qui s'exprime et qui vit comme nulle part en Amérique du
Nord. De Percé à Montréal, en passant par Saint-Jean-Port-Joli
et Québec, elle saisit l'âme des Québécois en
les photographiant dans leur quotidien: regards anxieux d'enfants pauvres
languissant sur le bord des routes poussiéreuses de Gaspésie;
paysans endimanchés de l'Ile d'Orléans devisant tranquillement
de la pluie et du beau temps; intérieurs de maison où se reflètent
les valeurs essentielles de la religion et du travail. De même, à
l'instar du photographe français Robert Doisneau qui a immortalisé
sur pellicule les amoureux et les mômes de Paris, Lisa Moser éternise
la mémoire de ces enfants qui jouent, côte de la Montagne,
à Québec et fige dans le temps cette charette de boulanger
tirée par un cheval, dans une rue de Montréal.
Visages d'anges
Introduite au sein de l'intelligentsia artistique et culturelle de Montréal
et de Québec, Lida Moser fera valoir ses talents de portraitiste,
photographiant une série de personnages connus ou en voie de le devenir.
Parmi ceux-ci, les peintres Alfred Pellan et Stanley Cosgrove, les écrivains
Alain Grandbois et Roger Lemelin, le chef d'orchestre Wilfrid Pelletier
et le comédien Gratien Gélinas. Par ailleurs, en développant
d'autres clichés, Lida Moser est frappée par la ressemblance
existant entre des anges sculptés sur bois et des enfants. «Métaphoriquement
parlant, les statues sont les enfants et les enfants des statues»,
dira-telle en parlant de ces photos.
Excitée par cette révélation, elle revient à
Québec, en décembre 1950, cette fois pour le compte du magazine
Look. Elle photographie au Musée du Québec et au Séminaire
de Québec des groupes de statues et d'enfants, choisis au hasard
dans une école voisine. Ces photos font sensation et contribuent
à la renommée de Lida Moser à travers le monde. L'exposition
Québec 1950 vu par Lida Moser est visible jusqu'en novembre, aux
heures d'ouverture du Centre d'archives (3e étage du pavillon Casault):
de 10 h 30 à 16 h 30, les lundi, jeudi et vendredi; de 10 h 30 à
21 h 30 les mardi et mercredi et de 8 h 30 à 16 h 30 le samedi.