6 juin 1996 |
Le 19 juin prochain, producteurs laitiers, consommateurs, gouvernement
vont s'assoir à la même table devant la Régie des marchés
agricoles et alimentaires du Québec pour discuter, comme chaque année,
de l'augmentation du prix du lait de consommation. Qu'ils souhaitent augmenter
le tarif de cette précieuse denrée, comme les producteurs
qui réclament une hausse de 6,18 cents par litre, ou le juguler,
les interlocuteurs utilisent une série de chiffres identiques. Ils
s'appuient sur une vaste enquête annuelle réalisée par
le Groupe de recherche en économie et politique agricoles (GREPA)
de l'Université Laval. Chaque groupe de pression a, par contre, tout
le loisir de demander aux chercheurs certains résultats en leur fournissant
des données particulières.
«Nous avons mis au point le modèle de calcul du coût de
production des exploitations laitières au Québec en 1986,
explique Michel Morisset, directeur du GREPA. Au lieu de se chicaner sur
le prix du foin ou des pesticides, les producteurs et les consommateurs
débattent des vrais principes.» Ainsi, l'étude dissèque
un à un tous les éléments qui ont permis la production
d'un hectolitre de lait, depuis les frais d'insémination d'une vache,
au prix du grain qu'elle a consommé, en passant par les coûts
d'entretien des bâtiments et de la terre. Quatre techniciens visitent
tout au long de l'année les 135 fermes de l'échantillon pour
recueillir près de 5 000 variables sur chacune des exploitations.
Fiche quotidienne du temps de travail, évaluation complète
de l'actif des fermes et de leur valeur marchande, vérification des
factures, comptage des animaux, l'enquête se veut la plus exhaustive
possible.
Mais si le modèle du GREPA fournit en détail l'horaire de
travail des exploitants et de leur famille, il ne se prononce pas sur la
rémunération des producteurs. Par contre, les chercheurs notent
qu'en 1995 le poste de dépense du temps de travail reste constant
malgré une augmentation des heures travaillées. En effet,
le taux horaire des salariés agricoles a diminué. De même,
l'étude ne détermine pas le taux de rémunération
des avoirs propres, comme la portion de la ferme dont l'agriculteur est
propriétaire. Chacune des parties en présence peut donc débattre
devant la Régie de la valeur du travail du producteur laitier, ou
se prononcer sur le paiement ou non des tâches effectuées par
ses enfants sur la ferme. Ce genre d'argument participe à la négociation
qui amènera les parties à se mettre d'accord sur le tarif
en vigueur payable par le consommateur.
Cette année, l'étude du GREPA note une augmentation du coût
de production d'environ 4 %. Un chiffre bien inférieur à la
demande des producteurs laitiers. Ces derniers indexent en effet les résultats
de 1995 au premier trimestre 1996 et soutiennent que les agriculteurs ont
subi une forte hausse du prix du grain, qui compose une part importante
de l'alimentation du troupeau. Ils expliquent également que la situation
médiocre qui prévaut sur le marché de la viande de
boucherie oblige les producteurs laitiers à conserver des animaux
qu'ils vendraient si le prix était meilleur. Reste à savoir
comment les autres parties en présence devant la Régie des
marchés agricoles et alimentaires vont utiliser les chiffres du GREPA.