Débat Barrette-Raël sur les origines de la vie terrestre
RAËLITÉ ET SCIENCE-FRICTION
Un débat animé sur l'émergence de la vie vient
rappeler que l'université demeure le champ par
excellence du pluralisme.
«On ne devrait pas être surpris qu'un tel débat ait lieu
à l'Université Laval : c'est le contraire qui pourrait paraître
surprenant.» Guy St-Michel, directeur du Service de pastorale de l'Université
Laval, faisait partie des quelque 700 personnes qui avaient rempli le Théâtre
de la Cité universitaire, le 30 janvier en soirée, pour assister
au débat sur les origines de la vie présenté par l'Association
des étudiants et des étudiantes de biologie à l'occasion
du 3e Forum biologique.
Le match de l'avis
Comme chacun des spectateurs et chacune des spectatrices qui occupaient
chaque siège du TCU, il a été témoin, pendant
plus de deux heures et demie, de ce qu'il qualifie de «rencontre de
deux esprits très intelligents, mais aux logiques qui ne pouvaient
pas communier».
Dans le coin gauche, Cyrille Barrette, professeur de biologie à l'Université
Laval, argumenteur à l'implacable logique qui a dit se sentir impuissant
devant «le discours inutile, qui ne se base ni sur des faits ni sur
des évidences, d'une mythologie maquillée par de la science».
Dans le coin droit, Raël (de son vrai nom Claude Vorilhon), contacté
par les extra-terrestres le 13 décembre 1973, qui lui ont révélé
que l'apparition de la vie sur terre, fruit d'expériences de laboratoire
réalisées par les Elohim, remonte à 25 000 ans. Habile
débateur maniant avec dextérité tantôt l'esquive,
tantôt la contre-attaque, habitué qu'il est sans doute d'être
constamment sur la sellette, le guide des guides du Mouvement raëlien
n'a pas manqué de dénoncer cette orthodoxie inquisitrice (sociale,
ecclésiale ou scientifique) encore bien vivante aujourd'hui, qui,
comme elle le fait depuis la nuit des temps, condamne les idées nouvelles,
donc hérétiques.
Un débat de raison, d'oraison et de raisons, dans l'ensemble marqué
sous le sceau du respect mutuel, échangeant à partir de positions,
en somme, irréconciliables. Le choc des idées peut choquer,
parfois, mais il peut aussi mener à une saine réflexion.
Un milieu pluraliste
C'est sous cet angle d'ailleurs qu'est apparu à Guy St-Michel l'événement
qui a suscité certains commentaires réprobateurs tant sur
le campus que de la part de médias montréalais. «J'ai
assisté à une activité qui, d'après moi, représente
ce que l'université a le mieux à offrir à des gens
: un lieu de débat.» Pour le directeur du Service de pastorale
de l'Université Laval, l'université est un «champ du
pluralisme», un endroit où s'expérimente et s'exprime
le pluralisme culturel, ethnique, linguistique, religieux, philosophique,
etc.
«Si nous étions dans une école primaire, à la
maternelle, je ne recommanderais jamais à mon établissement
de mettre en place des débats comme celui-là. Mais nous sommes
dans une université. Un étudiant ou une étudiante qui
réussit à s'inscrire dans un programme universitaire, c'est
une personne qui a une certaine expérience de la vie, qui a développé
ses capacités intellectuelles et affectives, son sens critique. C'est
une personne qui va apprendre en accroissant sa capacité d'écoute,
de critique, de prise de distance par rapport à ce que tout beau
parleur vient lui dire, y compris ses professeurs. Qui va exercer son discernement,
faires de ses choix des choix éclairés», souligne Guy
St-Michel.
En résumé, le face-à-face qui a occupé la scène
du Théâtre de la Cité universitaire toute une soirée
durant, le 30 janvier, a été, selon lui, l'occasion propice
de continuer à approfondir la formation scientifique qu'offre l'Université,
mais dans un cadre «non académique». Et de conclure : «Une
université qui ne se paie pas ce que l'on s'est payé, il y
a deux semaines, c'est une université qui manque le coche quelque
part.»
GABRIEL CÔTÉ
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