Compost tourbe et résidus de crevettes
L'aidant de la mer
Un compost-cocktail «tourbe et crevette» pourrait donner
un bon coup de pouce à la croissance des céréales.
Les tonnes de résidus de poisson et de crustacé produites
chaque année par l'industrie des pêches pourraient servir à
améliorer la fertilité des sols agricoles plutôt que
de finir à la mer. Une preuve supplémentaire de l'efficacité
de compost à base de déchets marins vient d'être apportée
par des chercheurs du Département des sols ( Faculté des sciences
de l'agriculture et de l'alimentation ) qui publient, dans la dernier numéro
de
Soil Science and Plant Analysis, les résultats de tests
menés sur l'orge avec un compost commercial fait de tourbe et de
résidus de crevettes.
Julien Assogba Hountin, Antoine Karam et Léon-Étienne Parent
du Département des sols, et leur collègue Daniel Isfan d'Agriculture
Canada, ont évalué l'effet de ce compost appliqué à
différentes concentrations, seul et en combinaison avec des engrais
chimiques, sur les rendements de l'orge cultivé en serres dans un
sol sablonneux, pauvre en matières organiques. «Des chercheurs
avaient déjà montré que ce genre de compost avait des
bons effets sur la production de légumes et de fruits en serres mais
personne ne l'avait encore expérimenté pour la culture céréalière»,
explique Antoine Karam.
Rentabilité économique?
Les quatre chercheurs ont noté que, pour le compost utilisé
seul, les rendements augmentent en fonction de la concentration de compost
utilisée pour atteindre un plafond à une dose équivalant
à 240 tonnes par hectare. L'ajout d'engrais chimiques produit une
légère augmentation des rendements d'orge mais cette hausse
est marginale comparée à l'effet du compost. Les meilleurs
rendements sont obtenus en combinant des doses intermédiaires de
compost (120 tonnes/ha) et des fertilisants.
Si ces données montrent que le compost tourbe-crevette permet d'amender
un sol pauvre et d'obtenir de bons rendements lors de tests en serres, elles
sont muettes quant à la rentabilité économique du recours
à ce compost dans de véritables conditions de culture céréalière.
«Les composts ne peuvent pas remplacer les engrais chimiques dans toutes
les cultures, prévient Antoine Karam. C'est du cas par cas. Les composts
pourraient même avoir des impacts environnementaux néfastes.
Si on les utilise en trop grandes concentrations dans des champs, on pourrait
polluer la nappe phréatique.»
Dans certaines conditions bien spécifiques cependant, les composts
peuvent remplacer les engrais chimiques, croit le chercheur, et il y aurait
un potentiel économique intéressant de ce côté.
«On a des tourbières et des résidus de pêches en
quantité et ces produits peuvent être valorisés dans
des composts.» Au Québec seulement, l'industrie des pêches
produit annuellement 1 000 tonnes de résidus de crabe et 300 tonnes
de résidus de homard.
Le potentiel des composts ne s'arrête pas à l'agriculture.
À preuve, Antoine Karam tente maintenant de les mettre à profit
dans le rétablissement d'un couvert végétal sur les
parcs à résidus miniers, ces affreuses montagnes de déchets
sur lesquelles la végétation ne semble pas avoir d'emprise.
JEAN HAMANN
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