Plantes transgéniques résistantes aux champignons
Plantes transgéniques: tout un tabac!
Des plantes qui se défendraient elles-mêmes contre les
champignons pathogènes? Les chercheurs du Département de phytologie
font un autre pas vers le création d'espèces transgéniques
résistantes aux maladies.
Les chercheurs Souad El Ouakfaoui, Claude Potvin et Alain Asselin du Département
de phytologie, et leur collègue Ryszard Brzezinski de l'Université
de Sherbrooke, ont réussi à introduire, dans un plant de tabac,
un gène produisant une enzyme (chitosanase) capable d'attaquer certains
champignons pathogènes. L'expression de cette enzyme dans un plant
transgénique constitue une première, estiment les quatre chercheurs.
Les chitosanases sont des enzymes dégradant le chitosane, un polymère
assez répandu dans la nature, particulièrement dans les parois
cellulaires des champignons. «Plusieurs chercheurs avant nous avaient
supposé que ces enzymes étaient présentes chez les
plantes mais nous avons été les premiers à le démontrer
clairement, dit la chercheuse Souad El Ouakfaoui. Les chitosanases se retrouvent
chez plusieurs espèces de plantes, même chez les plantes primitives,
et elles semblent particulièrement abondantes dans les fruits et
dans les graines. Ce qui est étrange, c'est que le substrat de cette
enzyme, le chitosane, n'existe pas chez les plantes. La chitosanase devait
avoir un rôle précis à jouer, mais lequel?»
Lors de tests in vitro, les chercheurs ont démontré qu'une
chitosanase provenant d'un champignon (Streptomyces N174) inhibait la croissance
de quatre espèces de champignons pathogènes. Le gène
codant pour cette enzyme a été introduit dans des plants de
tabac afin de tester la possibilité de l'exprimer dans un autre organisme.
«Nous avons choisi le tabac parce qu'il ne semble pas produire lui-même
de chitosanases, précise Souad El Ouakfaoui. Si on parvenait à
détecter l'enzyme dans le tabac transgénique, c'est que le
gène introduit était exprimé.»
Et c'est justement ce qu'ont observé les chercheurs. Après
manipulations génétiques, les plants de tabac produisent de
la chitosanase sous trois formes actives sans que cette transformation n'affecte
leur croissance. «Cette expérience visait surtout à évaluer
la possibilité d'introduire le gène de la chitosanase dans
une plante. Si on voulait utiliser cette technique pour développer
des plantes résistantes aux pathogènes, il vaudrait mieux
se tourner vers des espèces comme la tomate ou la pomme de terre
qui présentent plus d'intérêt sur le plan économique.»
Les quatre chercheurs publient les résultats de leurs expériences
dans le numéro de décembre 1995 de
Plant Cell Report.
JEAN HAMANN
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