Égalité des chances en éducation
ÉGALITÉ DES CHANCES ET ÉDUCATION
Le plafond de verre
Même si le système d'éducation du Québec a connu
une évolution marquée au cours des dernières décennies,
il n'est pas dit toutefois que les jeunes provenant des milieux défavorisés
et que les femmes en particulier bénéficient de l'égalité
des chances dans leurs études.
Huguette Dagenais, titulaire de la Chaire d'étude sur la condition
des femmes de l'Université Laval, sait de quoi elle parle. Femme
«d'origine modeste et plus précisément pauvre»,
selon sa propre expression, elle a pu faire, malgré elle, l'«observation
participante» de l'inégalité des chances en éducation.
Une question de degré
Ce qu'elle aperçoit aujourd'hui, par rapport à ce qu'elle
a vécu jadis: «Force est de constater que sur le plan structurel,
beaucoup de similitudes demeurent; les différences sont souvent plus
de degré que de nature. Ainsi, la vie est toujours très difficile
pour les jeunes d'origine modeste qui réussissent à atteindre
l'université (...); il leur faut gagner leur vie en étudiant
et surtout pour pouvoir étudier», affirme Huguette Dagenais.
Celle-ci prononçait, le 9 mai, une conférence intitulée
«Égalité des chances et éducation», au colloque
1996 de l'Association francophone internationale de recherche scientifique
en éducation (AFIRSE), qui se tenait à l'Université
Laval.
La question de l'égalité ou de l'inégalité des
chances se pose malheureusement encore et toujours en termes de division
sexuelle des secteurs et des disciplines, avec les conséquences qui
en découlent pour les femmes par la suite, déplore-t-elle
d'autre part. Ces conséquences? Ghettos d'emplois féminins,
insécurité d'emploi, inégalités salariales,
«plafond de verre» limitant l'avancement des femmes dans beaucoup
de professions.
Des mythes rongeurs
Ce qui amène tout naturellement l'anthropologue féministe
«et non repentante» à aborder l'une des préoccupations
des féministes québécoises: «les enjeux que représentent
les mythes qui se construisent présentement autour du décrochage
scolaire des garçons».
«Plutôt que d'analyser les causes de la réussite scolaire
des filles et de s'en réjouir comme d'un succès de société,
car le rattrapage scolaire des filles a été rapide et considérable;
plutôt que de se demander où, et en quoi, on a manqué
en tant que société dans la socialisation des garçons,
on observe au contraire dans le milieu de l'éducation et dans les
médias québécois, l'élaboration de mythes qui
déforment la réalité», se plaint Huguette Dagenais.
Au nombre de quatre, ces mythes peuvent se résumer ainsi: «Si
les filles réussissent mieux, c'est que l'école est mal adaptée
aux garçons»; «Les garçons sont les nouvelles victimes
du système de l'éducation puisqu'ils décrochent davantage
que les filles» (c'est donc sur eux qu'on devrait désormais
concentrer les efforts); «Les filles et les garçons ont maintenant
un accès égal à tous les programmes d'étude;
les filles n'ont qu'à s'orienter là où elles le désirent»;
«Les femmes sont présentent dans tous les lieux de pouvoir:
la lutte pour l'égalité est une chose dépassée».
Pour la titulaire de la Chaire d'étude sur la condition des femmes,
la réalité «occultée et déformée»
par ces mythes, c'est que les fillles ont chèrement gagné
leurs succès scolaires, grâce à leurs efforts soutenus
et à leur sérieux, surtout celles qui viennent de milieux
défavorisés, pour qui, sur ce plan, tout est à gagner.
«La réalité, c'est aussi que les succès scolaires
des filles ne les empêchent pas d'être encore très fortement
concentrées dans les mêmes programmes d'études que par
le passé et de se retrouver ensuite sur le marché du travail,
concentrées dans les secteurs d'emploi les moins rentables, où
elles touchent des salaires moins élevés que les garçons
des mêmes secteurs», ne manque pas de signaler Huguette Dagenais.
GABRIEL CÔTÉ