Zoom sur Ulric Deschênes: un Conseil, ça presse!
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Ulric Deschênes : un Conseil, ça presse!
À titre de tribunal d'honneur de la presse québécoise,
le Conseil de presse du Québec vise à promouvoir et à
faire respecter les plus hautes normes d'éthique professionnelle.
Officiellement, le rôle de cet organisme consiste à se prononcer
sur les griefs formulés par le public à l'encontre des journalistes
et des entreprises de presse.
Jusqu'à ce jour pourtant, aucune étude systématique
de sa jusrisprudence n'avait été réalisée, faute
d'une indexation de ses décisions, lacune que vient combler Ulric
Deschênes par le biais de son mémoire de maîtrise supervisé
par Jean Charron, du Département d'information et de communication.
Après avoir analysé un corpus de quelque 720 décisions
couvrant 20 ans d'activités du Conseil, le chercheur dénonce
le laxisme fonctionnel de cet organisme, qui «tranche pour trancher»
et qui maintient constamment une certaine ambiguïté dans son
discours: «Le Conseil de presse fait face à un dilemme, c'est-à-dire
qu'il doit concilier la liberté traditionnelle de la presse au droit
du public à l'information. Et si on reconnaît une responsabilité
à la presse, on va de ce fait contraindre sa liberté»,
remarque Ulric Deschênes, qui a réalisé cette étude
dans le cadre d'un projet mené conjointement par le Conseil de presse
et le Groupe de recherche en histoire des médias du Québec,
sis à l'Université Laval.
Le plus grand nombre de plaintes au Conseil de presse provient de gens directement
impliqués dans les faits, comme dans le cas où une personne
voit sa photo dans le journal sans avoir donné son consentement.
Les organismes voués à la défense de groupes tels les
minorités visibles ou les handicapés sont également
nombreux à faire valoir leurs droits auprès du Conseil.
Selon Ulric Deschênes, cette répartition des plaintes démontre
clairement que le Conseil de presse sert à l'épanchement des
sensibilités des partis: «Deux tendances s'opposent ainsi au
sein du Conseil: sanctionner l'activité journalistique et servir
d'arbitre à un litige. Par ailleurs, le Conseil cautionne l'apologie
du fait divers; tout est d'intérêt public, en autant que cela
ne tombe pas dans la sphère privée.»
Dans la thèse de doctorat en science politique qu'il compte entreprendre
prochainement, Ulric Deschênes se penchera sur le discours professionnel
du journaliste, à la lumière des conclusions de son mémoire.
En attendant, il souhaite que l'utilisation de la base de données
textuelles des décisions du Conseil qu'il a montée forcera
cet organisme à revoir sa culture jurisprudentielle, en mettant au
jour ses ambiguïtés et ses incohérences.
RENÉE LAROCHELLE