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25 avril 1996 ![]() |
L'effarouchement des oies blanches à l'aide d'avions et d'hélicoptères
pour enrayer les dommages causés par ces oiseaux aux champs agricoles
ne constitue rien de moins que du harcèlement, estime le professeur
Gilles Gauthier, du Département de biologie. «C'est comme si,
pour contrer les dégâts causés en hiver par les chevreuils
dans les vergers de l'Estrie, on permettait aux pomiculteurs de les pourchasser
en motoneige jusqu'à ce que les bêtes tombent d'épuisement.
Effaroucher les oies en survolant les champs sur un territoire allant de
Lotbinière à l'Île Verte s'apparente davantage à
du harcèlement qu'à de la gestion faunique.»
Il semble que, suite aux pressions exercées par l'Union des producteurs
agricoles (UPA), le Service canadien de la faune (SCF) ait élaboré
un plan pour éloigner les oies blanches des champs des agriculteurs.
Selon l'UPA, le broutage printanier des oies aurait occasionné des
pertes de l'ordre de 600 000 $ en 1994 aux agriculteurs des régions
allant de Bellechasse à Rimouski. «Il s'agit de pertes théoriques
de rendement, nuance Gilles Gauthier, pour lesquelles les agriculteurs obtenaient,
jusqu'à cette année, une compensation financière. Ces
pertes étaient calculées en comparant la production végétale
de parcelles où les oies avaient brouté avec celle de parcelles
recouvertes d'un grillage rendant le broutage impossible. Or, le broutage
modéré ne tue pas les plantes mais retarde d'environ deux
semaines leur croissance. Une régie des champs adaptée à
cette situation permettrait de réduire considérablement l'ampleur
réelle des dommages.»
Une richesse plutôt qu'une nuisance
Le SCF semble avoir confondu le problème de la croissance démographique
des oies blanches et celui des dommages causés à l'agriculture,
poursuit-il. «La taille du troupeau a augmenté au cours des
dernières années mais je ne suis pas prêt à dire
qu'il y a trop d'oies pour autant. Je vois plutôt là une richesse
dont il faut tirer partie comme l'ont fait les gens de la région
du Baie-du-Fèvre. Il y a des bénéfices récréo-touristiques
considérables à aller chercher de ce côté.»
Le chercheur craint que la mise en application du plan d'effarouchement
ne chasse les oies vers des régions où elles seront plus tranquilles.
«Depuis quelques années, les oies demeurent plus au sud pendant
la migration d'automne. Si j'étais pourvoyeur ou encore responsable
du Festival de l'oie blanche de Montmagny, ce plan d'effarouchement me causerait
beaucoup d'inquiétudes parce qu'il risque d'accélérer
cette tendance. Sans compter le fait que le plan ouvre la porte bien grande
aux braconniers puisqu'il permet aux agriculteurs de se procurer un permis
les autorisant à abattre un nombre illimité d'oies sur leurs
terres et d'inviter des personnes pour les aider à faire le travail.»
Il faut trouver rapidement des façons de faire cohabiter harmonieusement
les oies et l'agriculture par le biais d'une gestion intégrée,
estime Gilles Gauthier. Entre autres, il faut favoriser la dispersion des
oies de façon à éviter que les dommages ne soient concentrés
sur quelques terres seulement et il faut prolonger le séjour des
oies dans la région du lac Saint-Pierre où elles posent moins
de problèmes. Dans les régions plus touchées, on pourrait
sacrifier quelques champs aux oies afin d'épargner tous les champs
environnants. Il faudrait également examiner comment adapter la régie
des cultures à la présence des oies, un sujet sur lequel se
penchent présentement l'étudiant-chercheur Bernard Filion
et le professeur Guy Allard, du Département de phytologie. «L'effarouchement
à une échelle locale pourrait constituer un élément
d'un plan de gestion intégrée de l'oie blanche. Mais certainement
pas à l'échelle où l'envisagent actuellement l'UPA
et le SCF, et surtout pas avec des avions», conclut Gilles Gauthier.