Henri Brun: droit comme le droit
Henri Brun: droit comme le droit
«C'est extrêmement flatteur pour l'ego», répond Henri
Brun, quand on lui demande ses réactions face à la création
d'un trophée à son nom par l'Association des étudiants
en droit (AED) dans le cadre de son concours oratoire annuel. Afin de souligner
la contribution exceptionnelle de ce professeur en droit constitutionnel
à la formation de milliers de juristes, l'AED a en effet créé
le trophée Henri-Brun, où apparaîtront désormais
les noms des gagnants des prochaines éditions de ce concours.
«L'hommage me touche particulièrement, d'autant plus qu'il émane
des étudiants, dit encore Henri Brun. En ce sens, c'est peut-être
encore plus agréable que de recevoir un honneur officiel.» Interrogé
sur les qualités d'un bon professeur, il nomme en premier lieu «la
compétence en la matière». Mais on aura beau connaître
parfaitement son sujet, encore faut-il savoir le communiquer. Chez Henri
Brun, les heures consacrées à la façon de faire passer
le message seront donc innombrables, et ce, même après trente
ans de carrière: «Le droit constitutionnel étant un domaine
du droit qui bouge beaucoup, il faut constamment s'adapter au contexte.»
Après avoir complété une licence en droit et une licence
en histoire à l'Université Laval, Henri Brun s'envole pour
la France, au début des années 1960, pour y effectuer un Diplôme
d'études supérieures et un doctorat d'État en droit
à l'Université de Paris-Sorbonne portant sur l'Histoire des
institutions parlementaires québécoises. «Tout était
possible à cette époque sur le plan des idées, se souvient
-t-il. Chose certaine, je garde un excellent souvenir de cette période
de ma vie.» À son retour, le jeune professeur a le vent dans
les voiles et débute une fructueuse carrière d'enseignant,
d'abord en histoire du droit, puis en droit constitutionnel.
La cause du Québec
Considéré comme un expert en droit constitutionnel, Henri
Brun s'intéresse particulièrement au domaine de la Charte
des droits et libertés, «parce que le sujet soulève une
infinité de questions sociales: C'est l'éternelle confrontation
entre droits individuels et droits collectifs; en fait, le débat
résume bien les tendances de la vie en société».
En collaboration avec son fils, Pierre Brun, avocat, il a écrit Chartes
des droits de la personne, un monumental ouvrage de référence
qui en est à sa huitième édition. Il est de plus l'auteur,
avec le juriste Guy Tremblay, de Droit Constitutionnel, véritable
bible en la matière à laquelle se réfèrent des
centaines de juristes québécois et canadiens.
«C'est un métier nécessitant un travail considérable»,
convient Henri Brun, qui se fait un devoir, en tant que spécialiste
en droit constitutionnel, de siéger à des commissions d'étude
et de s'engager dans des dossiers judiciaires qui demandent une mise en
commun d'expertises. En 1978, il a d'ailleurs mis sa carrière d'enseignant
en veilleuse durant trois ans, pour former un bureau d'avocats en droit
constitutionnel destinés à assurer de façon adéquate
la défense du Gouvernement du Québec devant les tribunaux.
Ce qui l'a amené à plaider en quelque sorte la cause du Québec
en cour une cinquantaine de fois, de 1978 à 1988, notamment en ce
qui concerne la Charte de la langue française.
L'an dernier, au printemps, Henri Brun recevait un appel du premier ministre
Jacques Parizeau, qui l'invitait à participer à la rédaction
de la Déclaration de souveraineté devant figurer dans le préambule
du Projet de loi sur la souveraineté. Le juriste garde un très
bon souvenir de cette expérience inoubliable vécue avec, entre
autres, Gilles Vigneault, la dramaturge Marie Laberge et le sociologue Fernand
Dumont: «Nous avons réalisé l'impossible: écrire
à six.»
Selon lui, le résultat serré du référendum constitue
«un sursis bénéfique pour que les Québécois
et les Canadiens de diverses tendances se fassent à l'idée
d'un Québec souverain». Si Henri Brun demeure plutôt optimiste
sur l'avenir du Québec, il l'est en revanche beaucoup moins sur l'état
du monde en général. «Nous vivons une fin de millénaire
d'une tristesse inouïe, laisse-t-il tomber. Face à la mondialisation
des marchés et au commerce international, nos gouvernements sont
impuissants. Les valeurs sociales et culturelles en prennent un coup. En
fait, c'est le retour au capitalisme sauvage.»
RENÉE LAROCHELLE