Zoom sur Caroline Garant: Sol sur terre
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Caroline Garant: Sol sur terre
Née en 1972, Caroline Garant a connu le personnage de Sol grâce
aux reprises de «La Boîte à surprises», émission
enfantine de la télévison de Radio-Canada qui fit les délices
des jeunes Québécois dans les années 1960. À
l'école secondaire, elle continue de s'intéresser à
ce clown singulier qui réinvente le langage pour s'approprier le
monde. Si Caroline Garant a choisi de faire porter son mémoire de
maîtrise sur les monologues de Sol, c'est d'abord par goût mais
aussi par nécessité, puisqu'à part des études
purement linguistiques, il n'existe pas en tant que telle de recherche sur
lui.
«À l'instar de Charlot ou de Woody Allen, Sol est un être
faible sur qui tous les malheurs du monde tombent, explique la jeune femme.
Sa grande sagesse consiste à ne pas se prendre au sérieux.
Il critique l'idéologie dominante mais sans être agressif.
À la fois humoriste, poète, philosophe, Sol pose (et propose)
un regard neuf sur des situations usées.»
Dans son mémoire supervisé par Gilles Girard, du Département
des littératures, Caroline Garant étudie «l'art du trompe-l'oeil
dans Je m'égalomane à moi-même», du titre d'un
recueil. Cet art du trompe-l'oeil, elle le définit comme un «brouillage
progressif» faisant en sorte que Sol peut s'attaquer à n'importe
quel sujet, immunisé par son «masque d'idiot». Dans un
des rares monologues où il se permet d'être grivois et qui
a pour sujet le cinéma, Sol y va d'ailleurs un peu raide: Je dracule
pour mieux sauter/Et je te grimpe et je te grimpe jusqu'en haut de ma tour
infernale / Et tu seras fondue enchaînée. Ouf!
Selon Caroline Garant, «Je m'égalomane à moi-même»
correspondrait à la crise de puberté du personnage, en même
temps que son écriture coïncide avec la crise économique
du début des années 1980. Dans ce recueil, Sol met de côté
son expérience de vie personnelle pour aborder les grands problèmes
de l'heure tels la suprématie de l'argent, l'environnement, etc.
S'ouvrant de plus en plus au monde au fil des années, ce «gagne
petit-pain» dans l'âme parle de sujets universels comme la crise
de l'humanité et la conquête spatiale. Toujours naïf mais
fort d'une assurance nouvelle, il lui arrive parfois de tutoyer son public
en spectacle. Fait à noter, l'expression si caractéristique
de «Pauvre petit moi» disparaît peu à peu de son
vocabulaire.
Si à ses débuts, Sol allait toujours dans le sens de la dévalorisation,
parlant de ses origines modestes et de son incompréhension du monde,
il a acquis aujourd'hui ses lettres de noblesse auprès d'un public
«averti» du personnage, remarque Caroline Garant. N'ayant plus
rien à prouver, pas même sa naïveté d'ores et déjà
établie, il nous invite à ne pas se prendre au sérieux:
Quand un volcan se regarde le nombril, il n'y voit que du feu.
RENÉE LAROCHELLE