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18 avril 1996 ![]() |
«La transformation de soi passe d'abord et avant tout par le développement
de l'estime et de l'affirmation de soi.» C'est le constat qu'a fait
Francine Tremblay après avoir effectué une démarche
de formation auprès d'un groupe de travailleurs et de travailleuses
communautaires atikamekw du réseau des services sociaux, et dont
elle a rendu compte lors du colloque Nord-Laval en sciences humaines qui
a eu lieu le 12 avril au pavillon La Laurentienne.
Membre associée du Groupe d'études inuit et circumpolaires
(GÉTIC), Francine Tremblay connaît bien les problèmes
auxquels font face les autochtones pour avoir travaillé depuis plus
de 20 ans en milieux amérindien et inuit. Le programme de formation
qu'elle a créé conjointement avec la sociologue Monique Dallaire
visait à ce que les travailleurs communautaires autochtones puissent
intervenir efficacement auprès d'une clientèle aux prises
avec différents problèmes comme la violence conjugale, l'abus
sexuel, l'alcoolisme et le suicide.
«Le plus souvent, a indiqué Francine Dallaire, ces personnes
doivent intervenir en contexte d'autorité, à l'intérieur
du cadre de référence de la Loi de la protection de la jeunesse.
Il n'est pas rare qu'ayant vécu elles-mêmes ces difficultés,
elles se retrouvent au croisement de leur expérience personnelle
et de celle des personnes qui demandent leur aide. D'autre part, les travailleurs
autochtones doivent parfois agir à l'encontre de leurs valeurs personnelles,
comme par exemple retirer un enfant battu de sa famille, alors qu'ils considèrent,
de par leur culture, qu'on doit tout tenter afin que l'enfant puisse demeurer
avec les siens. Il en résulte souvent des sentiments profonds d'infériorité
et d'impuissance face à la "loi des Blancs"».
Un acte de connaissance
Dans cette optique, Francine Dallaire a développé des outils
pédagogiques favorisant l'expression de la culture, la prise de parole
et la confiance en soi. Lors de séances de formation qui se sont
déroulées de juin 1995 à mars 1996, les travailleurs
sociaux autochtones ont été invités à parler
des difficultés et des réussites rencontrées dans leurs
milieux de travail et familial et à exprimer librement leur opinion
sur le pouvoir, les rapports de force, etc. Mais le plus important, a révélé
la conférencière, est qu'ils se sont exprimés dans
leurs propres mots, se réappropriant en quelque sorte leur langage
et leur monde. Plus critiques face à leur situation, ils ont ainsi
pu s'engager plus adéquatement dans l'action.
Selon Francine Dallaire, cette pratique de la «conscientisation»
représente une façon différente de concevoir l'acquisition
de connaissances: «Au lieu d'emmagasiner un savoir préparé
à l'avance par un expert, les individus sont incités à
acquérir des connaissances en analysant la réalité
vécue. C'est un acte de connaissance plutôt qu'un transfert
de savoir.»
L'anthropologue Carole Lévesque a livré les résultats
partiels d'une étude qu'elle mène sur la famille inuit depuis
1994. D'après cette enquête, il existe un nombre grandissant
de familles monoparentales. Les rapports parents/enfants étant basés
sur une relation d'autorité; cette structure rigide freinerait l'épanouissement
personnel des enfants. En effet, pour plusieurs parents inuit, l'éducation
des enfants consiste essentiellement à leur donner à manger,
à veiller à ce qu'ils se couchent à une heure raisonnable
et à ce qu'ils n'arrivent pas en retard à l'école.
«Il est généralement admis que la société
Inuit est trop permissive. Mais je me demande si elle ne serait pas au contraire
trop restrictive», a fait valoir l'anthropologue.
Lors de ce colloque qui a réuni plusieurs chercheurs, le directeur
du GÉTIC, Gérard Duhaime, a manifesté sa volonté
de multiplier les occasions d'échange et les liens avec tous les
chercheurs de l'Université intéressés par les questions
autochtones. Gérard Duhaime vise également à faire
de la présence des chercheurs-étudiants un des fondements
de la vitalité actuelle et du futur du GÉTIC. Rappelons que
le Conseil de la Faculté des sciences sociales a renouvelé,
pour trois ans, la reconnaissance du GÉTIC en tant que groupe facultaire.