La rougeole dans le collimateur
La rougeole dans le collimateur
Une vaste campagne de revaccination contre la rougeole démarre
en février. Son but: prévenir une nouvelle épidémie
et faire un pas de plus vers l'élimination totale de cette maladie
au Québec.
Après cinq années d'accalmie, la rougeole menace à
nouveau au Québec. En effet, cette maladie, qui connaît un
cycle de quatre à six ans, est «due», puisque la dernière
flambée de rougeole a eu lieu en 1989. Le ministère de la
Santé et des Services sociaux (MSSS) vient de faire connaître
sa stratégie de lutte contre ce virus qui repose, entre autres, sur
une campagne de revaccination massive des jeunes de 18 mois à 17
ans. Premières cibles, les élèves du secondaire et
du primaire d'ici la mi-avril, puis, avant décembre 1996, les enfants
de 18 mois à 5 ans.
«Les bienfaits du vaccin contre la rougeole sont irréfutables
et il ne fait pas de doute dans mon esprit que les enfants doivent recevoir
le vaccin», estime Gaston De Serres, étudiant-chercheur à
la Faculté de médecine, médecin conseil au Centre de
santé publique de Québec et également responsable du
Groupe de travail qui a conseillé le MSSS sur la nouvelle stratégie
de lutte contre la rougeole.
«Il faut un nombre minimal de personnes vulnérables à
la rougeole pour qu'il y ait une épidémie, rappelle-t-il.
Lorsque le bassin de personnes non immunisées est élevé,
les risques d'épidémies sont beaucoup plus grands.» La
nouvelle stratégie de lutte à la rougeole prévoit que,
dorénavant, les enfants seront vaccinés contre la rougeole
à 12 mois et qu'ils recevront un rappel du vaccin à 18 mois.
De plus, comme une certaine proportion des jeunes plus âgés
pourrait ne pas être immunisés contre la rougeole, une campagne
de revaccination démarrera au cours des prochaines semaines, visant
en priorité les élèves du secondaire et du primaire.
«Le but de toute l'opération est de réduire le bassin
de personnes qui ne sont pas immunisées présentement contre
la rougeole», résume Gaston De Serres.
Rappelons qu'au Québec, aucun vaccin n'est obligatoire. Les responsables
de la lutte contre la rougeole, qui craignent les méfaits des campagnes
menées par la docteure Guylaine Lanctôt, auteure de La mafia
médicale : comment s'en sortir et retrouver santé et la prospérité,
et par certains homéopathes, comptent donc sur la bonne volonté
et le sens civique des gens pour que le programme de revaccination atteigne
ses objectifs.
La leçon de 1989
En 1989, l'épidémie de rougeole a frappé durement le
Québec: plus de
10 000 enfants atteints, 656 hospitalisations, une centaine de cas qui dégénèrent
en pneumonie, deux en méningite et dix en encéphalite. Les
autorités médicales estiment que sept enfants sont morts des
suites de la rougeole et que toutes ces statistiques sous-estiment encore
la réalité.
Pourtant, comme le démontrent les recherches que Gaston De Serres
a réalisées sur cette question avec l'équipe du professeur
Jean Joly, 85 % des enfants atteints en 1989 avaient été vaccinés
contre la rougeole. «Il semble qu'il y ait eu un échec primaire
à la vaccination, dit-il, c'est-à-dire que même si ces
enfants ont reçu le vaccin, ils n'ont jamais développé
d'anticorps contre le virus.»
L'explication la plus plausible au phénomène serait reliée
à l'âge auquel les enfants reçoivent le vaccin. «Certains
enfants possèdent encore des anticorps transmis par leur mère
au moment de la vaccination. Ces anticorps maternels peuvent détruire
le virus vivant atténué contenu dans le vaccin avant que le
système immunitaire de l'enfant ne réagisse. C'est pourquoi
désormais le premier vaccin sera donné à 12 mois suivi
d'un rappel six mois plus tard au cas où les anticorps de la mère
auraient interféré dans le processus.»
Québec 2002
La Politique de la santé et du bien-être du Québec prévoit
l'élimination de la rougeole au Québec pour l'an 2002. «Il
se peut qu'il y ait encore des cas isolés de rougeole ainsi que quelques
cas secondaires mais, si l'objectif est atteint, le Québec ne devrait
plus connaître d'épidémies de grande ampleur.»
Dans une population où la presque totalité des gens sont immunisés,
les foyers de rougeole s'éteignent d'eux-mêmes, sans branle-bas
de combat.
Il n'est pas impensable non plus, croit Gaston De Serres, qu'on parvienne
un jour à éradiquer complètement le virus de la rougeole
de la surface de la planète, comme on l'a fait avec la variole, mais
il faudra pour cela un effort concerté de tous les pays. Présentement,
rappelle-t-il, les principaux vecteurs de la rougeole aux États-Unis
sont des gens qui proviennent non pas des pays en voie de développement
mais bien d'Europe.
JEAN HAMANN
-30-