Projet OCTOPUS:des camions et des puces
Des camions et des puces
L'industrie du camionnage s'engage dans le virage des technologies
de l'information. Le projet Octopus veut l'aider à éviter
les dérapages.
Depuis une semaine, le répartiteur de camions de la compagnie Thibodeau
Saguelac Marcan Transport inc. surveille, sur l'écran de son ordinateur,
un petit point rouge qui se déplace sur une carte du nord-est de
l'Amérique du Nord. Ce petit point donne, en tout temps, grâce
à un satellite de positionnement et aux télécommunications
cellulaires, la localisation exacte, la vitesse et une foule d'autres données
sur l'un des camions de sa flotte qui trimbale à son bord un micoordinateur
spécial, un «transpordinateur», conçu par l'équipe
du projet Octopus de l'Université Laval. Si jamais une demande de
transport inattendue survenait sur le chemin de retour, le répartiteur
pourrait aussitôt transmettre, via modem cellulaire, de nouvelles
directives au conducteur qui rentabiliserait au maximum son temps et ses
déplacements, plutôt que de rouler à vide.
Cinq années de recherche et développement séparent
ce premier essai routier du transpordinateur et la naissance d'Octopus,
«un projet multidisciplinaire dont les objectifs sont de développer
des outils informatiques destinés à rendre l'industrie du
camionnage plus sécuritaire et également plus compétitive»,
explique Gérard Simian, professeur au Département d'informatique
et co-responsable du projet avec Jean-Baptiste Sérodes du Département
de génie civil. Une commande de taille puisque, au Québec,
près de la moitié de toutes ces entreprises n'ont recours
à aucune forme d'informatisation de leurs activités.
Des camions sur l'autoroute de l'information
Au Québec, l'industrie du camionnage donne de l'emploi à 30
000 personnes réparties dans 10 000 entreprises. La flotte québécoise
se compose de près de 100 000 camions et tracteurs routiers qui sillonnent
les routes du Québec, du Canada et, de plus en plus depuis l'avènement
de l'ALENA, de l'Amérique du Nord.
L'équipe d'Octopus nourrit de grandes ambitions pour cette industrie.
«Les huit volets du projet Octopus (d'où il tire d'ailleurs
son nom) s'intéressent aux activités touchant la dimension
sécurité du camion, les tâches du conducteur et la gestion
des opérations dans l'entreprise, explique Gérard Simian.
Ainsi, le transpordinateur sert d'aide à la planification des activités
du chauffeur, à la conduite, à la ronde d'inspection de sécurité
du camion, à l'enregistrement des données de conduite ainsi
qu'au système de positionnement. D'autre part, certaines applications
concernent l'aide à la gestion des commandes et des factures, la
gestion de la flotte et la répartition des camions.»
Au Québec, certaines entreprises n'ont pas attendu Octopus pour commencer
l'informatisation de leurs activités et l'une d'entre elles a même
équipé ses camions de système de positionnement, souligne
la coordonnatrice du projet Octopus, Célia Anchieta. «En général,
l'informatisation se fait cependant à la pièce et les entreprises
connaissent des problèmes d'interface entre les différents
logiciels. Ces difficultés font qu'elles ont peu de retour sur leur
investissement ce qui pourrait les amener à conlure que l'informatisation,
ça ne marche pas, craint-elle. Octopus veut prévenir ces difficultés
en offrant une vision globale de l'informatisation d'une entreprise de transport.
Nous développons chacune des applications en ayant le souci de répondre
à un problème particulier des entreprises mais aussi en nous
assurant qu'elle peut facilement interfacer avec les autres composantes
du système. C'est là le grand avantage qu'offre Octopus par
rapport aux autres approches.»
Sur la route
Le projet Octopus a démarré en 1990 grâce à une
subvention du Programme d'action concertée du FCAR versée
à un groupe de chercheurs de l'Université (GRIMES) travaillant
dans le domaine de la sécurité routière. Depuis, le
projet a reçu l'appui du ministère de l'Industrie, du Commerce
de la Science et de la Technologie, de Transports Québec, de la Société
de l'assurance automobile, de Bell Mobilité et de ESRI Canada. Comlab,
Tachographes G.L. Québec et Tetra Technologie participent au développement
du transpordinateur et à la mise en place de moyens de télécommunication
et de repérage des camions par satellite. Enfin, l'équipe
d'Octopus, composée d'une quinzaine de personnes, dont un groupe
de l'UQAR, bénéficie de la participation de quatre entreprises
de transport, Hervé Matte et fils, Transport Cabano, Transport Guilbault
et Thibodeau Saguelac Marcan Transport.
D'ici quelques mois, une vingtaine de camions de ces entreprises auront
un transpordinateur à leur bord. Et c'est là que, véritablement,
on saura si la route d'Octopus et celle de l'industrie québécoise
du camionnage convergeront pour de bon.
JEAN HAMANN
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