28 mars 1996 |
En 1994, Yves Fradet était professeur-chercheur à la Faculté
de médecine et médecin à l'Hôtel-Dieu de Québec.
Aujourd'hui, il est toujours professeur, chercheur et médecin mais,
en plus, il est à la tête de DiagnoCure, une entreprise biopharmaceutique
qui comptera bientôt une quarantaine d'employés et dont le
capital de démarrage atteint 6 millions de dollars.
Officiellement, la métamorphose de l'universitaire en entrepreneur
a commencé lors de Bio-Contact 1994, un événement qui
réunissait des chercheurs et des gens d'affaires de la région
dans le but avoué de faire fructifier des découvertes scientifiques.
Mais, officieusement, Yves Fradet savait depuis un bon moment qu'un jour,
il se lancerait en affaires. «Lorsqu'un chercheur fait une découverte,
il peut la breveter et en retirer des redevances mais, en bout de ligne,
il ne reste pas grand chose dans la région. Ça fait longtemps
que j'ai une vision, que je vois la possibilité d'attirer des investissements
et de créer dans la région quelque chose qui pourrait ressembler,
à moyen terme, à une industrie pharmaceutique.»
Profitant de la tribune offerte par Bio-Contact, Yves Fradet expose à
son auditoire le fruit de longues années de recherche: un test diagnostique
pour le cancer de la vessie. Son test repose sur l'utilisation d'anticorps
capables de déceler la présence de composés biochimiques
spécifiques aux cellules cancéreuses dans l'urine des patients,
ce qui évite le recours à des procédures médicales
désagréables comme l'insertion d'une sonde dans l'urètre.
Le test peut servir au diagnostic du cancer de la vessie, au suivi des patients
qui ont été traités pour un cancer de la vessie ou
encore comme outil de dépistage dans des groupes à risque.
La présentation de Yves Fradet ne tombe pas dans l'oreille de sourds.
Serge Pitre, qui a fait carrière dans l'industrie pharmaceutique,
et René Kirouac, ex-directeur des affaires publiques à l'Institut
de recherches cliniques de Montréal, le contactent aussitôt
et entament des discussions qui conduisent à la création de
DiagnoCure. «Les tâches administratives que doit faire tout chercheur
donnent une bonne base en gestion mais pour lancer sérieusement une
entreprise, il faut s'associer à des gens d'affaires, dit Yves Fradet.
Grâce à mes partenaires, ça va très vite depuis
un an. La Caisse de dépôt et de placement a investi 3 millions,
Lévesque Beaubien Geoffrion Capital a ajouté 2,5 millions
et la Société Innovatech Québec-Chaudière-Appalaches
a complété le financement avec 500 000$.»
Yves Fradet admet volontiers que la création de DiagnoCure n'est
pas désintéressée. «Le financement des activités
de recherche est devenu très compétitif et créer une
entreprise constitue une autre façon d'augmenter ma capacité
de recherche et de réaliser des projets. En plus, si le temps et
les efforts que j'investis dans DiagnoCure portent fruit, il se peut fort
bien que j'en retire une certaine notoriété de même
que des revenus supplémentaires.»
Cumuler à la fois un poste de professeur, de médecin et d'entrepreneur
ne lui pose pas de problème éthique , dit-il, parce qu'il
a pris soin de signer toutes les ententes nécessaires avec la direction
de l'Université avant de plonger. «Un chercheur universitaire
devrait toujours mettre cartes sur table avant de se lancer en affaires.
Sinon, qu'il y ait conflit d'intérêts ou non, les apparences
jouent toujours contre lui par la suite. Pour le reste, je crois que si
on veut vraiment développer des entreprises de pointe et des emplois
spécialisés dans la région, il faut encourager l'esprit
d'entrepreneurship des professeurs et le milieu devra se montrer ouvert
à leurs activités.»