28 mars 1996 |
C'est une Lise Bissonnette au regard fort critique, donc aux propos très
tranchants, qui est venue défendre, mardi, la cause de l'éducation
au Québec. Qui, à l'occasion, a même incité les
commissaires des États généraux à conserver
non seulement la perspective d'ensemble qui est la leur, mais aussi à
présenter au gouvernement des orientations qui touchent tout le système
d'éducation, qui en redessinent la cohérence.
La directrice du journal Le Devoir avait été invitée
à prononcer la conférence de clôture du colloque du
Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire (CRIRES)
de l'Université Laval, qui se tenait, le 26 mars, à la sallle
multimédia de pavillon Alphonse-Desjardins. Organisé avec
la collaboration de la Centrale de l'enseignement du Québec (CEQ),
sous le thème «De l'accès au succès», le
colloque se voulait un moment de mise en commun de réflexions et
de réactions au rapport de la Commission des États généraux
sur l'éducation.
Tout revoir
De cette vaste entreprise de ratissage qui a démarré sous
la férule de l'ancien ministre Jean Garon, «qui cherchait non
pas à identifier des «priorités» selon une certaine
logique, mais à trouver des terrains communs qui auraient plu à
tout le monde et à son père, quels que soient ces terrains
pourvu qu'ils soient populaires» à la suite des choses «assez
brumeuse» sous la direction d'une Pauline Marois qui songe sans doute
encore à une réforme majeure «mais qui n'a pas peut-être
pas le choix de procéder par étapes, dans le contexte financier
qui est le nôtre», Lise Bissonnette retire qu'il faut à
peu près tout revoir, que les corrections au système n'ont
pas de sens si elles ne s'imbriquent les unes dans les autres en touchant
tous les ordres d'enseignement.
«En somme, presque toutes les prémisses sur lesquelles nous
avons bâti le système québécois d'éducation
ont été ébranlées, parfois carrément
démenties. Ce qui est étonnant, renversant même, c'est
qu'on puisse encore penser, au plus haut niveau, que ces bouleversements
majeurs ne commandent pas une réforme majeure, organique, complète»,
a-t-elle lancé, après s'être livrée à
un rappel historique «qui devrait nous convaincre que la maison est
à rénover de fond en comble».
L'outrage des ans
Un bilan bien peu reluisant, du reste, que celui qu'elle tire des grands
objectifs de la construction du système scolaire public du Québec,
qui étaient, outre la complétion d'un système public
complet, l'accessibilité aux études, leur démocratisation,
une formation dont les contenus correspondraient à des besoins et
des valeurs contemporaines.
«Un quart de siècle plus tard, tout ce qui est acquis de façon
certaine, c'est l'existence d'un système public complet. Même
l'accessibilité, objectif relativement simple, est compromise par
des contingentements. Les problèmes de diplomation et d'abandon scolaire
soulignent l'inachèvement tragique de la démocratisation.
Et rien n'est moins clair, évidemment, que les exigences contemporaines
d'une formation de base, au moment où le savoir éclate en
même tyemps que le substrat de nos valeurs», a constaté
la journaliste jadis affectée, notamment, au secteur de l'éducation.
Une parente pauvre: la recherche
Aussi méritoire et bien que soit le travail des États généraux,
il ne saurait être qu'un préalable à des travaux beaucoup
plus importants, a-t-elle insisté, identifiant tout de même
au passage quelques «bonnes pistes» contenues dans les grandes
orientations du premier rapport de la Commission des États généraux.
Parmi celles-ci, les services à la petite enfance, l'enseignement
professionnel de tous ordres, la formation générale et la
pédagogie. «Ce travail, c'est celui de l'intuition bien informée,
du bon sens collectif qu'ont généré nos essais et erreurs»,
devait-elle souligner.
Malgré l'intégration de la formation des maîtres à
l'enseignement supérieur, la recherche en éducation demeure
la parente pauvre du système, a finalement déploré
Lise Bisonnette, en s'adressant particulièrement aux nombreux chercheurs
universitaires présents dans l'auditoire. «Si les États
généraux doivent indiquer à la ministre des priorités,
ainsi qu'elle le requiert, il serait indispensable d'y inscrire une relance
urgente de la recherche en éducation et, pourquoi pas, la création
d'un centre majeur», a-t-elle suggéré.