21 mars 1996 |
Cette femme, c'était Susan Thibaudeau, qui demandait à
la Cour Suprême du Canada de reconnaître le caractère
discriminatoire de l'inclusion forcée, à son revenu, de la
pension alimentaire versée pour le bénéfice de ses
enfants. Elle a perdu sa cause. Bien que le gouvernement ait reconnu que
le système des pensions alimentaires était inéquitable,
il faudra attendre 1997 pour que les pensions alimentaires soient retirées
des «griffes» de l'impôt. Assistée de son avocat
conseil, André Lareau, la jeune femme soutenait que trop de juges
ont oublié qu'il ne reste que la moitié de la pension alimentaire,
une fois l'impôt payé.
Dans près de 75 % des situations visées, l'impôt épargné
par le père esten effet supérieur à l'impôt que
la mère doit assumer sur la pension, et ce, compte tenu de leurs
taux respectifs d'imposition. En l'occurrence, cet écart crée
un manque à gagner annuel de 330 millions de dollars pour le gouvernement
fédéral et de 75 millions au niveau provincial. André
Lareau s'est donc attaqué à cette inéquité du
système fiscal en soutenant Susan Thibaudeau dans ses démarches.
«Le système fiscal basé sur la redistribution des richesses
ne joue pas très bien son rôle, constate l'avocat fiscaliste.
Il est prouvé que les femmes ont un revenu inférieur à
celui des hommes. La femme profite à 40 % du retour d'impôt
tandis que l'homme en bénéficie à 60 %. Je suis conscient
du fait qu'il faut diminuer le déficit mais il est certain que les
secteurs coupés ne ciblent pas les bonnes personnes. Par exemple,
les exemptions du gain en capital des compagnies font que le premier 500
000 $ de profit gagné par les entreprises n'est pas imposable. Cet
avantage dont profitent les entreprises a fait perdre 785 millions de dollars
au gouvernement en 1992.»
«Le système ne tient pas compte de la faculté de payer
de chacun, poursuit André Lareau. Le gouvernement pourrait instaurer
une "taxe de luxe" qui s'ajouterait aux produits superflus. La
personne qui roule au volant d'une voiture qui coûte cher en essence
peut déduire son essence dans son rapport d'impôt, compte tenu
qu'elle en a besoin pour son travail. Pourtant, cette personne bénéficie
du même avantage au point de vue fiscal que celle qui roule en voiture
plus économique, bien qu'il en coûte un prix supérieur
au gouvernement.»
Un combat à gagner
Étant lui-même père de famille et donc très préoccupé
du bien-être des enfants, André Lareau compte poursuivre ses
démarches, considérant que les pensions actuelles ne seront
réévaluées que si la femme prend les devants et paie
les frais de justice. La plupart des femmes étant trop «riches»
pour avoir droit à l'aide juridique et trop «pauvres» pour
aller en cour, elles seront vouées à baisser les bras, estime
l'avocat.
Dans cet ordre d'idée, il veut encourager les femmes bénéficiaires
de pensions alimentaires à contester les impôts payés
dans les années passées et à négocier leur montant
d'impôt actuel; il leur donne même la possibilité de
se battre en leur fournissant des procédures utiles à cet
effet. «Le combat n'est pas gagné. En revanche, nous avons fait
avancer les choses et nous avons réussi à capter l'intérêt
des politiciens, des avocats, des juges et de la population en général»,
souligne André Lareau, qui dit avoir vécu une expérience
humaine des plus gratifiantes avec Susan Thibaudeau.
Pour ceux qui désirent en savoir davantage sur les futures batailles
de Susan Thibaudeau et ce qu'elle a vécu jusqu'à maintenant,
elle sera au local OB du pavillon Charles-De Koninck, le mercredi, 27 mars,
de 11 h 30 à 12 h 20.