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21 mars 1996 ![]() |
La littérature classique et policière regorge de ces crimes
passionnels où l'amant assassine son amoureuse parce qu'il ne peut
supporter l'idée d'être éconduit, ou encore par simple
vengeance. Dans la vraie vie, le crime passionnel existe aussi, faisant
la une des quotidiens plus souvent qu'à son tour.
Dans le cadre de la Journée internationale des femmes, le 8 mars,
Patricia Mercader, maître de conférences en psychologie à
l'Université Lumière Lyon 2, est venue livrer les résultats
d'une recherche qu'elle mène actuellement sur le traitement médiatique
du crime passionnel en France. L'événement était organisé
par la Chaire d'étude sur la condition des femmes, le GREMF (Groupe
de recherche multidisciplinaire féministe), en collaboration avec
le Bureau de la responsable de la Condition féminine de l'Université
Laval.
«Ne me quitte pas...»
Pour les fins de son étude, Patricia Mercader a analysé quelque
300 articles portant sur des crimes passionnels parus dans des journaux
de la ville de Lyon et des villes et villages périphériques.
«Le traitement journalistique accordé au crime passionnel diffère
selon que le meurtre a été commis par un homme ou par une
femme, constate la psychologue. Si c'est l'homme qui a tué, on dira
par exemple qu'il était en état de détresse, on parlera
de "provocation" de la part de la victime, on écrira que
la femme avait un comportement "ambigu". Par contre, la femme
accusée de meurtre sera souvent taxée d'instigatrice, comme
si par ses agissements, elle avait elle-même incité l'homme
à la violence.»
De la même manière, poursuit Patricia Mercader, les mobiles
du meurtre différent selon les sexes. La plupart des hommes tuent
par jalousie, ou parce que leur conjointe les a quittés ou encore,
parce qu'ils craignent d'être quittés. De leur côté,
les femmes assassinent pour fuir la tyrannie dont elles se sentent victimes,
pour défendre leurs enfants ou encore parce que l'élimination
du conjoint constitue à leurs yeux la seule façon de sortir
d'un univers qu'elles jugent étouffant et aliénant.
Légitime défense
Au Québec, a fait valoir Liliane Côté, également
conférencière lors de la Journée des femmes, les hommes
qui tuent leur conjointe ou qui usent de violence conjugale le font dans
«un contexte de jalousie sexuelle et de rupture». Ayant oeuvré
au Regroupement provincial des maisons d'hébergement et de transition
pour femmes victimes de violence conjugale, cette bachelière en droit
de l'Université Laval a souligné que d'après des statistiques
(1974-1986), les responsables des homicides conjugaux au Canada étaient
des hommes dans 76 % des cas. Au Québec, ce pourcentage s'élevait
à 87 %. «Devant les tribunaux, les hommes vont utiliser fréquemment
la défense de provocation pour expliquer leur geste. Les femmes,
elles, citent le plus souvent la légitime défense.»