21 mars 1996 |
Parce qu'elle trouve important que les jeunes artistes aient la possibilité
d'exposer le fruit de leur travail, Carolline Boucher lançait, il
y deux mois, un appel à tous les étudiants de l'École
des arts visuels, afin de les inciter à participer à son projet
d'exposition. La réponse ne s'est pas fait attendre et plus d'une
cinquantaine d'étudiants ont proposé leurs oeuvres.
Jusqu'au 31 mars, le public est donc invité à venir apprécier
une vingtaine d'oeuvres, sélectionnées par un jury composé
pour l'occasion de deux professeurs de l'École, Henriette Cyr et
David Naylor. L'exposition se déroule sous le thème «Viens
exposer avec nous», à la salle d'exposition du pavillon Alphonse-Desjardins.
Étudiante en enseignement des arts plastiques, Carolline Boucher
présente une oeuvre séquentielle des plus touchante en même
temps qu'extrêmement déroutante. «J'ai voulu exprimer
ce que les membres de ma famille ressentaient face à la maladie de
mon frère, atteint de schizophrénie», révèle
l'étudiante, qui a intitulé son oeuvre Hommage à Pierre
pour son courage et sa détermination. «Court-circuité»
par la maladie de son fils et «maniaque de l'informatique», le
père est ainsi représenté par un circuit imprimé.
La petite soeur, elle, prend la forme d'une aquarelle barrée du grand
X de la «distanciation». Pour sa part, Carolline Boucher traduit
l'émotion éprouvée par une boîte de pilules éclatée
sur une plaque de ciment. Juste à côté, une légende:
«Encore combien de temps pour voir l'éclat de tes yeux?»
La femme de paille
Dans cette exposition placée sous le signe de la diversité,
figurent des oeuvres qui brillent particulièrement par leur originalité
et leur audace. «J'ai voulu déformer un objet déjà
existant, en quelque sorte le transgresser au niveau du sens», indique
Yvan Bolduc, dont le pupitre d'écolier géant interpelle et
fait lever la tête du plus blasé des visiteurs. Deux pas plus
loin s'allonge une immense pièce d'acier, sans titre, signée
Marie-Eve Higgins: canot d'écorce dure ou poisson-fossile, le secret
est bien gardé. Il y a ce Dossier d'artiste d'Annie Lévesque
où une chaise - dont le dossier est justement constitué d'oeuvres
de l'artiste - s'élève littéralement dans les airs
sous l'étrange poussée de vieux journaux. Plus loin, un drôle
d'orignal en tutu rose imaginé par Céline Blouin montre ses
pattes... sans queue ni tête.
Cherchant une réponse à ses questions dans les forces qui
s'opposent - équilibre et déséquilibre, intériorité
et extériorité - Guy-Ann Bolduc propose quant à elle
une toile dont le «dépouillement chargé de mémoire»
laisse toute la place à l'imagination. «Avec une économie
de moyens, j'essaie de faire surgir la surface au maximum». De son
côté, Sylvie Larose présente une photo des plus saisissantes:
baignant dans une mare de sang, à côté d'un bassin,
les pieds d'une femme posés bien à plat sur le sol. Meurtre
ou mystère?
Que dire de ce corps de femme scindée en deux et dont les moitiés
reposent sur le plancher, sans vie, l'une vidée de son sang et l'autre
bourrée de paille? Rien. Il n'y a rien à dire de cette oeuvre
d'Annie Bouchard, dont la plainte muette se passe d'explications. Finalement,
si chacun parle pour soi, les oeuvres parlent d'elles-mêmes.
L'exposition est présentée du lundi au vendredi de 11h à
18h et lles samedis et dimanches, de 13h à 17h.