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14 mars 1996 ![]() |
Des chercheurs de la Faculté de médecine et de l'Oregon
Health Sciences University viennent de mettre au point une technique qui
permettrait, par thérapie génique, de reconstruire un foie
complet à partir de cellules modifiées génétiquement.
La technique a été éprouvée avec succès
chez des souris présentant une déficience de la FAH (fumarylacétoacétate
hydrolase), une enzyme impliquée dans la dégradation de l'acide
aminé tyrosine. Cette déficience enzymatique reproduit la
situation retrouvée chez les personnes qui souffrent de tyrosinémie
héréditaire, une maladie fréquente au Québec
(1 cas par 16 000 naissances) et tout particulièrement dans la région
du Saguenay-Lac-Saint-Jean où son incidence est la plus élevée
au monde avec 1 cas par 1846 naissances. La tyrosinémie cause des
problèmes de foie et de reins dès la naissance et conduit
souvent à la mort avant l'âge adulte. Les enfants qui en souffrent
doivent subir une greffe du foie en bas âge.
Robert Tanguay de la Faculté de médecine et ses collègues
américains Ken Overturf, Muhsen Al-Dhalimy, Mark Brantly, Ching-Nan
Ou, Milton Finegold et Markus Grompe sont parvenus, in vitro, à insérer
le gène normal dans des cellules de foie (hépatocytes) puis
à les implanter dans le foie de souris ayant une FAH déficiente.
Tel qu'espéré, les cellules modifiées s'implantent
dans le foie et produisent l'enzyme normale. Fait encore plus intéressant,
ces cellules se multiplient plus rapidement que les cellules de l'hôte
et, en prime, elles se différencient en d'autres types de cellules
hépatiques si bien qu'un foie complet et fonctionnel est régénéré.
Il faudrait aussi peu que 1 000 cellules modifiées pour parvenir
à recoloniser complètement un foie de souris (qui compte 10
millions de cellules), rapportent les chercheurs dans l'édition du
1er mars de Nature Genetics.
En éditorial de la revue, un spécialiste en thérapie
génique du foie, James M. Wilson, signale le regain d'enthousiasme
que génère cette découverte. De son côté,
Robert Tanguay se montre prudent lorsqu'il est question d'extrapoler cette
découverte aux humains. «Cette technique, dit-il simplement,
laisse entrevoir une alternative à la transplantation pour traiter
les personnes atteintes de tyrosinémie et peut-être même
de certaines autres maladies du foie».
Robert Tanguay et son équipe du pavillon de la Recherche en sciences
de la vie et de la santé travaillent depuis plusieurs années
sur la tyrosinémie. Ils ont successivement localisé le gène
défectueux, ils en ont décodé l'information génétique
et ils ont décrit les différentes mutations causant la maladie.
En août 1994, Robert Tanguay, Maryse St-Louis, Sylvie Demers, Barbara
Leclerc et l'équipe de Markus Grompe annonçaient dans le New
England Journal of Medicine la mise au point du premier test génétique
permettant d'identifier les individus porteurs du gène causant la
tyrosinémie héréditaire.