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14 mars 1996 ![]() |
Malgré tous les bouleversements qu'elle a connus au cours des
dix dernières années, notamment avec l'avènement de
la perestroïka («restructuration»), la Russie reste une société
non contemporaine qui «tourne sur elle-même» au lieu d'aller
de l'avant. C'est ce qu'a affirmé le recteur de l'Université
d'État des sciences humaines de Moscou, Youri Afanassiev, devant
des participants à un séminaire sur la Russie et les pays
de l'ex-URSS offert dans le cadre de la maîtrise en relations internationales,
le 6 mars.
«Nous avons des produits d'économie de base comme le pétrole,
le gaz et les métaux, mais sans pour autant bénéficier
de l'apport des technologies modernes, a soutenu Youri Afanassiev. Par conséquent,
l'économie de la Russie est dépendante des conditions extérieures.
Et quand une économie dépend de l'extérieur, elle stagne.»
Historien engagé, Youri Afanassiev a collaboré, entre autres,
à la fondation du mouvement «Russie démocratique»
avec Boris Eltsine, Andréï Sakharov et Élena Bonner,
en 1990. Député du peuple au Parlement de Russie de 1991 à
1993, il a participé et participe toujours activement au mouvement
de démocratisation de l'ex-URSS et de la Russie. Sa visite s'inscrivait
dans le cadre du protocole d'échanges et de coopération signé
entre l'Université Laval et l'Université d'état des
Sciences humaines de Moscou, fondée en 1991.
Cosmos et Bolshoï
Selon le conférencier, plusieurs autres raisons expliquent le fait
que la Russie ne constitue pas un pays «moderne». Malgré
les guerres et les révolutions ayant secoué cette nation,
les structures profondes du pays ne changent pas; les habitudes de vie en
communauté sont très ancrées dans la population alors
qu'en Occident, l'accent est mis sur l'individualité. Si les «mentalités
rationnelles» dominent dans les pays occidentaux, la Russie, elle,
se nourrit encore de ses propres mythes. «Nous avons été
les premiers à aller dans le cosmos, nous avons le Bolshoï,
l'une des meilleures troupes de ballet au monde, de très bons théâtres...
Et pourtant, la société russe demeure non contemporaine»,
considère Youri Afanassiev.
Par ailleurs, bien qu'il existe certaines «traces démocratiques»
dans le régime politique actuel comme la liberté de presse,
la tenue d'élections et la présence d'une certaine économie
de marché, il n'en demeure pas moins que les prix des produits continuent
d'être fixés par des monopoles et que les petites et moyennes
entreprises sont inexistantes. En outre, constate Youri Afanassiev, les
décisions concernant l'avenir du pays sont prises dans une sorte
de huis-clos, à l'intérieur des murs du Kremlin, et la guerre
qui sévit en Tchétchénie n'a pas d'autre responsable
que la Russie. «Mais la plate-forme Etsine est une plate-forme démocratique»,
précise cet humaniste qui n'a d'autre ambition que celle d'aider
à faire de la Russie «un pays qui rejoigne les valeurs communes
du reste de l'humanité».