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14 d�cembre 1995 ![]() |
Effet paravent: plus que du vent!
Tirer ou se faire tirer, c'est une question de fond en ski de fond.
Les fondeurs de calibre international auraient intérêt à profiter de l'effet paravent pour améliorer leurs performances, suggèrent des études menées par des chercheurs du Laboratoire des sciences de l'activité physique (LABSAP). L'effet paravent, bien connu en cyclisme, consiste à profiter de la présence d'un autre athlète devant soi pour réduire l'énergie investie à briser la résistance de l'air.
Lors de tests menés avec la collaboration de skieurs de compétition, les chercheurs Bernard Bilodeau, Marcel R. Boulay et Benoît Roy ont enregistré le rythme cardiaque des sujets placés en tête, puis placés derrière un autre skieur de calibre comparable. Les sujets devaient conserver la même vitesse lors des deux essais et maintenir une distance constante entre eux. Les résultats, rapportés dans International Journal of Sports and Medicine et dans Medicine and Science in Sports and Exercice, concluent que l'avantage énergétique de l'effet paravent est loin d'être négligeable en ski de fond. Cet effet permet à des skieurs utilisant le style patin de réduire leur rythme cardiaque de 9 battements à la minute, ce qui, en terme énergétique, représente une économie de 13 %. Même constat du côté des skieurs utilisant le style classique qui économiseraient pour leur part 7 battements cardiaques à la minute ou 8% de leur énergie.
Une question de stratégie
<<L'introduction des courses à relais par équipes dans les compétitions internationales rend cette stratégie beaucoup plus intéressante, soutient Marcel Boulay. Les skieurs peuvent se relayer en tête du peloton pour faire de meilleurs temps. Dans les autres types de compétition, les skieurs moins forts pourraient aussi réaliser de meilleures performances en s'accrochant, le temps qu'ils le peuvent et surtout en terrain plat, aux skieurs qui les dépassent. Dans les montées, l'effet paravent est moins important et ils vont être largués.>>
Pour l'instant, ces résultats n'ont pas fait de vagues dans le monde du ski de fond. <<Certains athlètes tiraient déjà profit de l'effet paravent mais personne n'était convaincu que cela procurait un avantage significatif, poursuit le directeur du LABSAP. En plus, ce n'est pas toujours très bien vu de se laisser tirer par un autre athlète. Dans certains cas, le monde du sport est assez réticent au changement. Par exemple, des études ont prouvé que les nageurs masculins réaliseraient de meilleurs temps s'ils portaient des maillots comme ceux des femmes parce que la friction serait moindre. Pourtant, aucun nageur n'a osé en porter en compétition mais on pourrait en voir aux Jeux Olympiques d'Atlanta.>>
En cyclisme sur route, profiter de l'effet paravent est une condition sine qua non, signale Marcel Boulay. Un peloton de cyclistes peut facilement rouler à 60 km/h alors que le record pour un cycliste seul, sur piste et sans vent, est d'environ 54 km en une heure. <<Le cycliste au centre d'un peloton économise jusqu'à 40 % d'énergie, souligne-t-il. En ski de fond, l'effet paravent n'est pas aussi important parce que la vitesse atteinte est moins grande.>> Si les skieurs occasionnels ont peu à retirer de l'effet paravent, ce n'est pas le cas des athlètes qui parviennent maintenant, avec le pas de patins, à parcourir 50 km en moins de deux heures, une vitesse très appréciable.
JEAN HAMANN