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14 d�cembre 1995 ![]() |
GALILEO téléphone maison
Au terme d'un périple de 3,7 milliards de kilomètres, le satellite Galileo est entré en orbite autour de Jupiter.
Jupiter avait seize lunes. Depuis une semaine, elle en compte une dix-septième, artificielle et minuscule celle-là, puisqu'elle ne fait que 2,5 tonnes et qu'elle origine de la Terre. Cette précieuse petite lune est le satellite Galileo, entré en orbite autour de Jupiter le 7 décembre après un voyage de 3,7 milliards de kilomètres qui aura duré plus de six ans. Nommé en l'honneur de l'astronome italien Galileo Galilée qui a découvert, en 1610, les quatre premières lunes de Jupiter, le satellite a commencé à expédier vers la Terre des renseignements inédits sur la plus grosse planète du système solaire et il en enverra bientôt d'autres tout aussi précieux sur ses lunes.
<<Galileo risque de nous apprendre bien des choses intéressantes sur la structure de Jupiter, sur son évolution et sur les protoplanètes, dit l'astrophysicien Jean-René Roy qui, sans être un spécialiste de Jupiter, suit cette odyssée spatiale avec intérêt. Jupiter est une planète dont la masse fait environ 318 fois celle de la Terre. Elle émet plus d'énergie qu'elle n'en reçoit du Soleil en raison du processus de contraction gravitationnelle qui s'y déroule. Malgré cela, Jupiter produit peu d'énergie et sa surface gazeuse rend difficilement applicables les méthodes d'analyse conventionnelles utilisées en astrophysique. Pour connaître la composition de cette planète et savoir ce qui s'y déroule, il n'y avait rien de mieux que d'envoyer une sonde cueillir des données sur place.>>
Au clair des lunes
Jupiter est entourée d'un champ magnétique très intense et de particules de haute énergie. Bien que le ciel de cette planète soit propice aux aurores boréales et que les clairs de ses 16 lunes offrent sans doute un spectacle grandiose, la température qui y règne, environ -150 degrés Celsius à la surface, en fait un endroit peu hospitalier. <<Galileo va nous en apprendre davantage sur les aurores boréales de Jupiter et sur ses lunes qui ont toutes des personnalités bien différentes. Certaines d'entre elles sont aussi grosses que la planète Mars, Europe est couverte de glace alors que Io est le site d'une intense activité volcanique>>, poursuit l'astrophysicien.
L'odyssée de Galileo, dont la facture totale atteindra 1,35 milliard de dollars US, aura forcé l'équipe de la NASA à faire montre de grandes prouesses technologiques. <<Une partie de l'antenne émettrice de Galileo a refusé de se déployer dans l'espace, rappelle Jean-René Roy. La NASA a dû se rabattre sur l'autre antenne du satellite, beaucoup plus petite, qui ne transmet que de 8 à 16 bits à la seconde contrairement aux 134 400 bits de l'autre. Les spécialistes de la NASA sont parvenus à modifier les logiciels installés à bord du satellite afin d'augmenter le débit de transmission des données. On pense maintenant que le satellite parviendra à réaliser 70 % des objectifs de la mission.>>
Au départ, la NASA voulait lancer le satellite à partir de la navette spatiale en utilisant une fusée Centaur alimentée à l'hydrogène liquide. En ligne directe, ce voyage aurait été trois fois plus court mais l'explosion de Challenger en 1986 a forcé le recours à un carburant solide plus sécuritaire. Cette décision a causé un casse-tête de taille aux responsables de la mission puisque la navette spatiale ne pouvait prendre à son bord une fusée suffisamment grosse pour contenir tout le carburant requis pour effectuer le trajet vers Jupiter. Une bonne partie de l'énergie requise pour franchir la distance est donc venue du catapultage gravitationnel, explique Jean-René Roy. Tout comme l'avait fait Apollo 13 en contournant la Lune après l'explosion de ses réserves de carburant, Galileo s'est d'abord dirigé dans la "mauvaise direction" avant d'effectuer un crochet autour de Vénus puis, à deux reprises, autour de la Terre, avant d'entreprendre sa course vers Jupiter.
Vie intelligente sur Terre
Transporté dans l'espace par la navette Atlantis le 18 octobre 1989, Galileo a donc entrepris son expédition par un long détour de 2,8 milliards de kilomètres. Chemin faisant, il a observé Vénus puis, évidemment la Terre. Serge Pineault, également astrophysicien au Département de physique, raconte que des chercheurs américains ont eu l'idée de tester les instruments de Galileo en les braquant vers la Terre lorsque le satellite est passé au-dessus de notre planète, le 8 décembre 1990. <<Les données transmises par Galileo révélaient la présence en abondance d'oxygène gazeux, d'un pigment très répandu absorbant surtout la lumière rouge du spectre visible (la chlorophylle), de même que de méthane n'ayant pas atteint l'équilibre thermodynamique, des conditions nécessaires mais non suffisantes à la présence de vie. Par ailleurs, le satellite signalait avoir capté des ondes radio modulées (sans doute des émissions de radio ou de télé), fait interprété par les experts comme la manifestation d'une forme de vie intelligente sur la planète.>> L'histoire ne dit cependant pas sur quelle émission les chercheurs ont bien pu tomber.
Si la suite de cette mission se déroule comme prévu, Galileo effectuera 11 orbites autour de Jupiter au cours des deux prochaines années. En décembre 1997, le satellite entrera dans l'atmosphère de la planète géante et se consumera aussitôt. Ses cendres deviendront alors partie intégrante de l'atmosphère qu'il était chargé d'étudier.
JEAN HAMANN