14 d�cembre 1995 |
<<Le rêve est une seconde vie>>, a dit un jour l'écrivain français Gérard de Nerval. De tout temps, en effet, l'homme a rêvé; il rêve encore et il rêvera toujours, non seulement de ce qu'il est mais aussi de ce qu'il n'est pas, jamais satisfait, à la recherche d'un ailleurs perdu. Dans son mémoire de maîtrise effectué sous la direction de Denys Delâge, du Département de sociologie, André Caissy s'est penché sur le rêve chez les Iroquoiens des XVIIe et XVIIIe siècles, le terme <<Iroquoiens>> désignant à la fois les Iroquois et les Hurons qui vivaient respectivement sur un territoire correspondant à l'actuel état de New-York et dans la province de l'Ontario.
En parcourant Les Relations des Jésuites alors qu'il faisait son baccalauréat en histoire à l'Université de Sherbrooke, André Caissy avait été frappé à quel point ces missionnaires insistaient dans leurs écrits sur le caractère fondamental du rêve chez les Amérindiens. Ainsi, souligne le chercheur, <<quand un Huron disait à un autre: "J'ai rêvé que tu me donnais un canot", l'autre en question n'avait d,autre choix que d'obtempérer à sa demande.
Deux types de rêves venaient hanter le sommeil des Indiens: le rêve de désir, qui pouvait aller de l'objet matériel à une femme, et le rêve d'anxiété. Dans ce dernier cas, les songes reflétaient les problèmes et les difficultés que rencontraient l'Indien dans sa vie quotidienne: la faim, les guerres entre tribus, mais aussi la présence des missionnaires qui amenaient avec eux une nouvelle religion, des coutumes différentes, sans compter de multiples épidémies.
De leur côté, les Jésuites étaient ambivalents dans leur perception du rêve, une manifestation en quelque sorte diabolisée au Moyen-âge mais qui pouvait cependant être un message émanant de Dieu. <<Finalement, les Jésuites en sont venus à prendre ce qui faisait leur affaire, souligne André Caissy. Et quand un Indien affirmait avoir rêvé qu'il se convertissait au Dieu des Blancs, ceux-ci entérinaient le discours du rêveur, ne ratant pas une occasion de sauver une âme.>>
Fermement convaincus que les rêves provenaient du monde surnaturel, les Amérindiens croyaient également que négliger cet appel de l'au-delà pouvait se retourner contre eux, d'où l'importance d'écouter ses rêves pour maintenir l'harmonie du monde et éviter le chaos.
<<Chaque année, au mois de février, les Amérindiens célébraient la Fête des songes au cours de laquelle ils mimaient leurs rêves et les faiaient deviner à leurs compagnons. Possédant les mêmes fonctions que le carnaval, cette fête permettait de canaliser les frustations accumulées au cours des mois et servait de soupape de sécurité. En même temps, les Indiens recréaient le monde, leur monde.>>
RENÉE LAROCHELLE