7 d�cembre 1995 |
� la recherche du temps perdu
Une page importante de l'histoire des plantes aurait �t� �crite il y a 200 millions d'ann�es.
J�r�me Laroche, Peng Li et Jean Bousquet, du Centre de recherche en biologie foresti�re, lisent les g�nes des plantes comme d'autres lisent les lignes de la main ou les feuilles de th� au fond d'une tasse. Mais ce n'est pas l'avenir qui les int�resse, bien au contraire. Ces trois explorateurs du pass� d�cryptent l'ADN afin de reconstituer des �v�nements qui ont eu lieu il y a des millions d'ann�es, alors que l'�tre humain n'�tait encore qu'un vague projet que se disputaient le hasard et la n�cessit�.
Sans quitter le confort douillet du pavillon de la Recherche en sciences de la vie et de la sant�, les trois chercheurs de la Facult� de foresterie et de g�omatique sondent, gr�ce aux outils du g�nie g�n�tique, les archives de la vie entrepos�es dans les g�nes et parviennent ainsi � lever le voile sur de grands moments de l'histoire des plantes. La derni�re lecture qu'ils se sont offerte ensemble leur a r�v�l� des faits bien int�ressants sur le pass� des plantes � fleurs, le plus important groupe de v�g�taux sur Terre. Des faits qui viennent trancher un d�bat qui divisait les scientifiques depuis plusieurs ann�es et qu'ils d�voilent � leurs pairs dans le num�ro de novembre de la revue scientifique Molecular Biology and Evolution.
Le grand �cart
Les plantes � fleurs ont fait une apparition relativement tardive sur la Terre pour ensuite se subdiviser en deux groupes distincts comprenant d'une part, les monocotyl�dons -les c�r�ales comme le ma�s, le bl�, l'avoine, les gramin�es, etc. -, et les dicotyl�dons - les l�gumineuses, les compos�es, la plupart des arbres sauf les conif�res, etc. Le moment pr�cis o� se sont scind�s ces deux groupes suscite de vives controverses depuis cinq ans. En effet, les estim�s de divergence avanc�s par diff�rents chercheurs ayant recours � des techniques mol�culaires vont de 200 � 300 millions d'ann�es avant aujourd'hui, une diff�rence de 100 millions d'ann�es, ce qui n'est pas rien. Les preuves fossiles indiquent que les plus anciennes plantes � fleurs existaient il y a 145 millions d'ann�es (bien qu'un fossile �quivoque ait �t� dat� � 225 millions d'ann�es) et que le dernier anc�tre commun des conif�res et des plantes � fleurs vivait toujours il y a 300 millions d'ann�es.
En utilisant la technique des horloges mol�culaires, les chercheurs Laroche, Li et Bousquet ont remis les pendules � l'heure. Ils ont d'abord compar� la s�quence de nucl�otides (les �l�ments de base constituant les g�nes) de dix g�nes provenant de l'ADN mitochondrial de monocotyl�dons et de dicotyl�dons et ils ont �valu� le nombre d'�l�ments diff�rents. Ensuite, ils ont calibr� leur horloge mol�culaire en �tablissant le taux de changement des nucl�otides chez des plantes dont on conna�t, gr�ce � des preuves fossiles, la date de divergence. �On utilise, entre autres, le ma�s et le bl�, qui se sont s�par�s il y a 50 � 70 millions d'ann�es, et un anc�tre commun des deux plantes�, explique J�r�me Laroche. En d�montrant que le tic tac de l'horloge mol�culaire de certaines esp�ces est constant dans le temps, les chercheurs sont parvenus � apposer une date approximative sur un �v�nement beaucoup plus ancien. R�sultat:
selon leurs calculs, les plantes � fleurs se sont diversifi�es en deux grands groupes il y a 200 millions d'ann�es.
Les premiers monocotyl�dons et dicotyl�dons ont donc vu le jour � partir d'un anc�tre commun il y a 200 millions d'ann�es, pendant le Jurassique. Sans doute ont-ils presque aussit�t �t� pi�tin�s et brout�s par les dinosaures qui dominaient la faune terrestre � cette �poque. Mais ces plantes ont eu leur revanche. Alors que le r�gne des dinosaures p�riclitait, culminant dans leur disparition il y a 65 millions d'ann�es, les plantes � fleurs ont peu � peu gagn� du terrain pour devenir la forme v�g�tale dominante sur Terre. Et leur r�gne dure encore aujourd'hui.
JEAN HAMANN
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