7 d�cembre 1995 |
Diables de tableaux!
L'ethnologue Jean-Claude Dupont est aussi un peintre �na�f� prolifique. Sa derni�re cuv�e: l'imaginaire et le fantastique gasp�siens.
Un soir d'hiver, � Gasp�, un qu�teux frappe � la porte de la veuve B�langer. Comme elle n'a pas d'argent � lui donner, elle ouvre le caveau o� elle conserve une pleine chaudi�re d'oeufs et en offre un au mendiant. �Garde-le, ton oeuf, lui dit-il en col�re; penses-tu que je vais le mettre dans ma poche? Tu te souviendras de moi!�
La veuve est au d�sespoir, puisque dans ce coin de pays, les qu�teux ont la r�putation de jeter des sorts aux personnes qui refusent de les secourir. De fait, elle aper�oit par la fen�tre le mis�rable qui entra�ne � sa suite toutes les poules du village, en sifflant doucement. Heureusement, le chien de la place veille au grain et se lance � la poursuite du jeteur de sort qui s'enfuit sans demander son reste, pendant que les poules regagnent lentement leur poulailler. C'est ainsi qu'� Gasp�, on a l'habitude de dire: �On ne choisit pas ses qu�teux comme on choisit ses amis.�
Cette l�gende fait partie de la trentaine de r�cits originaires de la Gasp�sie que Jean-Claude Dupont, professeur au D�partement d'histoire et artiste peintre, a choisi de raconter � travers son pinceau. Intitul�e La Gasp�sie en l�gendes, l'exposition est pr�sent�e jusqu'au 17 d�cembre, � la Maison des J�suites et regroupe les oeuvres les plus r�centes de l'artiste. Chaque tableau �tant accompagn� de la l�gende qui le caract�rise, les amateurs de peinture na�ve et d'histoire devraient appr�cier cette incursion dans l'imaginaire d'un peuple qui se cherche et se trouve � travers ces histoires sans queue ni t�te, mais combien repr�sentatives de sa vision du monde.
Voir et savoir
�La m�moire collective des Gasp�siens est riche de l�gendes et de r�cits transmis depuis des g�n�rations, explique Jean-Claude Dupont. Cet h�ritage ayant trait � l'existence d'un monde imaginaire pourrait s'expliquer par un besoin de voir, de savoir et d'�tre rassur�. L'isolement joue un grand r�le dans les r�gions maritimes; les contours g�ographiques accident�s des c�tes et les grands espaces o� l'on se sent isol� invitent � la r�flexion et au fantastique.�
Selon cet ethnologue r�put�, le diable n'�tait que l'un des esprits malins qui fr�quentaient les c�tes du Saint-Laurent et de la Baie des Chaleurs; il y avait bien d'autres agents surnaturels, les uns malfaisants, les autres simplement terrifiants. � Sainte-Flavie, des petites flammes repr�sentant des �mes du purgatoire viennent agacer les vivants, tandis qu'� l'Anse-Pleureuse, des hommes qui n'ont pas fait leurs p�ques sont transform�s en boeufs la nuit. � Bonaventure, on a vu un monstre marin de sept pieds de long attaquer les p�cheurs et � Nouvelle, un bateau fran�ais coul� lors de la guerre de 1760 r�appara�tre dans le ciel.
Les toiles figurant � cette exposition consacr�e aux l�gendes de chez nous ne repr�sentent qu'une infime part de l'oeuvre de Jean -Claude Dupont qui a peint, � ce jour, pr�s de 400 tableaux, tous inspir�s de la litt�rature orale. Pour ce faire, il a sillonn� sans rel�che non seulement le Qu�bec et le Canada, mais aussi les �tats-Unis, recueillant de la bouche m�me des conteurs ces histoires qui constituent la m�moire d'un peuple. Et bien qu'il poss�de de l'imagination � revendre, ce peintre na�f demeure toujours fid�le au sujet de la l�gende qu'il peint. �S'il n'y a pas d'histoire, il n'y a pas d'int�r�t. Mais les gens sont �videmment libres d'imaginer ce qu'ils veulent.�
Heures d'ouvertures: mardi au dimanche, de 11 h � 17 h. Mercredi, de 11 h � 20 h. Ferm� le lundi. Entr�e libre, Maison des J�suites (2320, chemin du Foulon, Sillery)
REN�E LAROCHELLE
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