14 septembre 1995 |
Id�es
LE FANT�ME
DU �VRAI QU�B�COIS�
PAR MARC TESSIER
BACHELIER EN SCIENCE POLITIQUE
ET �TUDIANT � LA FACULT� DE DROIT
Tous les Qu�b�cois sont �gaux face aux enjeux de la souverainet�. Mais certains le seraient plus que d'autres.
Qu'est-ce qu'un �vrai� Qu�b�cois? La question peut para�tre � premi�re vue d'une pertinence douteuse, ou purement philosophique, mais si on la place dans un contexte particulier comme celui du d�bat r�f�rendaire, elle prend tout son sens. C'est � cette question que les politiciens, principalement ceux qui disent d�fendre l'id�e de souverainet�, doivent r�pondre pour �tre en mesure d'�tablir une strat�gie politique efficace, exempte de toute connotation � caract�re racial ou linguistique. La r�ponse � cette question aura pour cons�quence de savoir si la d�marche r�f�rendaire du PQ s'adresse � tous ou seulement � une partie de la population qui se compose des �vrais� Qu�b�cois, c'est-�-dire ceux qui endossent d'embl�e la vision p�quiste d'un Qu�bec souverain.
M. Max Nemni, professeur de science politique � l'Universit� Laval, propose une fa�on int�ressante d'aborder la probl�matique. Selon ce dernier, il faut avant tout identifier quel type de nation nous voulons �tre en tant que Qu�b�cois. Est-ce une nation de type �nation-contrat� ou �nation-g�nie�?
Alors que la premi�re d�termine l'appartenance au groupe en fonction de l'adh�sion volontaire de l'individu, dans la seconde, l'appartenance de l'individu est fonction de traits caract�ristiques d'ordre culturel, ethnique, historique ou m�me parfois g�n�tique. S'il s'agit d'une �nation-contrat�, aucun probl�me ne se pose puisqu'est qu�b�cois celui qui se dit �tre qu�b�cois, peu importe sa race, sa religion, sa langue, etc. Avec cette premi�re conception, la notion de �vrai� qu�b�cois perd tout son sens parce que le concept m�me de la �nation- contrat� exclu toute possibilit� d'une quelconque diff�renciation. Donc, on ne peut parler de �vrai� qu�b�cois que dans la mesure o� il est possible de cr�er des cat�gories parmi lesquelles on peut identifier le vrai du faux ou de celui qui l'est moins que l'autre, ce qui est exclu dans cette hypoth�se. Par contre, du moment o� l'on commence � faire des diff�rences, � poser des conditions, ne serait-ce qu'une seule, on exclut illico une cat�gorie d'individus qui de ce fait, ne sont automatiquement plus admissibles au titre de �vrai� Qu�b�cois. D�s lors, on bascule dans la conception de la �nation-g�nie� qui cr�e une pr�f�rence ou une exclusion.
Le Parti qu�b�cois ne cesse de pr�cher, principalement par la voix de son premier ministre, que le Qu�bec appartient � tout le monde et que tous sont invit�s � participer � l'�dification du grand r�ve ind�pendantiste qui se concr�tisera peut-�tre cet automne. Par contre, on s'aper�oit ais�ment que plusieurs membres des communaut�s culturelles ont droit � une place plus ou moins grande parce qu'ils n'ont pas n�cessairement la m�me vision d'un Qu�bec souverain que nos politiciens ind�pendantistes.
Ces divergences d'opinion font resurgir chez quelques ind�pendantistes convaincus une certaine col�re, pour ne pas dire une col�re certaine, qu'il conviendrait plut�t de traduire par un quelconque m�pris envers ces individus de diff�rentes ethnies qui se disent pourtant aussi qu�b�cois que leurs d�tracteurs.
La preuve en est les incidents ayant impliqu� le d�put� bloquiste de Louis-H�bert, Philippe Par� ainsi que l'auteur Raymond L�vesque. Bien que des excuses soient venues amenuiser la port�e de ces propos, il n'en demeure pas moins que le fond de l'id�e soit bel et bien le m�me: certains d'entre nous ne sont pas de vrais Qu�b�cois et s'ils le sont, ils ne le sont pas au m�me degr� que les autres.
Est-ce � dire que le r�ve ind�pendantiste ne s'adresse seulement qu'� une partie de la population, � ces individus qu'on appelle les �vrais� Qu�b�cois? Si on me r�pond qu'une telle interrogation est totalement farfelue, alors pourquoi des incidents comme ceux ci-haut mentionn�s sont-ils encore possibles? Pourquoi les propos de M. Parizeau et de M. Pierre Bourgault ont-ils d�j� port� � confusion au point d'exiger des �claircissements? Le �vrai� Qu�b�cois est en fait une invention de toute pi�ce qui n'est saisissable que dans le contexte d'une soci�t� fond�e sur le concept de �nation-g�nie� o� seuls ceux r�pondant � des crit�res bien pr�cis peuvent se targuer d'�tre de �vrais� Qu�b�cois. Les autres, qui sont-ils, s'ils ne r�pondent pas � ces crit�res? Et ces crit�res, quels sont-ils?
La vision nationaliste du Qu�bec v�hicul�e par le PQ ne serait- elle donc r�serv�e qu'� une partie de la population, aux �vrais� Qu�b�cois?