14 septembre 1995 |
RECHERCHE
L'estime de soi: en partie g�n�tique?
En naissant, nous ne sommes pas un livre aux pages toutes blanches. Certains chapitres, dont celui sur l'estime de soi, sont d�j�, en partie, �crits.
Une part significative de l'estime que chaque personne se porte � elle-m�me serait sous influence g�n�tique, r�v�le une �tude publi�e dans le British Journal of Psychiatry par le professeur -chercheur Marc-Andr� Roy de la Facult� de m�decine (Centre de recherche Universit� Laval-Robert Giffard) et ses coll�gues Michael Neale et Kenneth Kendler, du Medical College of Virginia. Les trois chercheurs ont compar� les scores obtenus par plusieurs centaines de paires de jumeaux identiques et fraternels � un test d'estime de soi. En utilisant une m�thode standard de calcul permettant de d�partager les variations dues � l'environnement et celles attribuables � la g�n�tique, ils ont �valu� l'h�ritabilit� de l'estime de soi � 52%.
Ce r�sultat in�dit bouleverse l'id�e re�ue voulant que l'estime de soi d�pende presque exclusivement de l'�ducation et des exp�riences de vie de chacun. Depuis 25 ans, pas moins de 20 000 articles scientifiques ont �t� �crits sur le sujet de l'estime de soi mais, jusqu'� pr�sent, aucune n'avait port� sp�cifiquement sur la composante g�n�tique de ce caract�re.
R�vision majeure en vue
�Je pense que ce r�sultat va contribuer � changer notre compr�hension de l'estime de soi, dit Marc-Andr� Roy. Notre �tude sugg�re qu'il faut tenir compte des diff�rences g�n�tiques entre individus dans nos interventions psychoth�rapeutiques. Il y a un travail de r�vision majeure � faire de ce c�t�, pas seulement pour l'estime de soi, mais aussi dans toute notre conception des temp�raments humains. En naissant, nous ne sommes pas un livre aux pages blanches sur lesquelles tout reste � �crire; l'index et les t�tes de chapitre sont d�j� l� et ils d�limitent notre potentiel.�
Le chercheur pr�cise cependant que ce n'est pas parce que l'estime de soi est sous influence g�n�tique qu'elle est fixe et qu'elle ne changera pas au cours d'une vie. �En tant que psychiatre clinicien, je sais qu'il est possible, gr�ce � une intervention ad�quate, d'aider des personnes � augmenter l'estime qu'elles ont d'elles-m�mes.�
Si on con�oit assez facilement que la couleur des yeux soit sous contr�le g�n�tique, on s'imagine plus difficilement comment peut �tre d�termin�e, avant m�me de na�tre, l'opinion que l'on aura de soi-m�me 30 ou 40 ans plus tard. �Il n'y a pas un g�ne de l'estime de soi en tant que tel. Ce qui est transmis, c'est plut�t une attitude g�n�rale face � la vie qui pourrait �tre conditionn�e par des neurotransmetteurs ou des hormones. Mais, tout ceci est purement sp�culatif pour le moment�, dit Marc- Andr� Roy.
Le test d'estime de soi utilis� dans cette �tude (test de Rosenberg) comporte dix affirmations du type �En g�n�ral, je suis satisfait de moi, je peux faire les choses aussi bien que la moyenne des gens�, �il n'y a pas grand chose que j'ai fait dont je peux �tre fier�, etc.) que les r�pondants doivent coter selon une gradation allant de �fortement en accord� � �fortement en d�saccord�. Les chercheurs tirent profit du fait que les jumeaux identiques ont exactement le m�me bagage g�n�tique alors que les jumeaux fraternels ne partagent que la moiti� de leurs g�nes, pour d�terminer quelle partie des variations des scores d'estime de soi est attribuable � la g�n�tique.
�Cette m�thode suppose que l'effet de l'environnement est le m�me pour tous les couples de jumeaux, qu'ils soient identiques ou fraternels, ce que certains chercheurs contestent depuis des ann�es, signale Marc-Andr� Roy. Mais, jusqu'� pr�sent, cette m�thode a r�sist� � toutes les critiques.�
JEAN HAMANN