30 mars 1995 |
Andr� Parent, l'anti-star de la recherche
Andr� Parent, professeur au D�partement d'anatomie de la Facult� de m�decine et chercheur au Centre de recherche en neurobiologie (H�pital de l'Enfant-J�sus) recevra � la fin mai le prix L�o- Pariseau d�cern� par l'Association canadienne-fran�aise pour l'avancement des sciences (ACFAS). Ce prix lui sera remis � Chicoutimi lors du prochain congr�s de l'ACFAS en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle au domaine des sciences biologiques et des sciences de la sant�.
Ses premi�res r�actions? Surpris d'abord car il avait oubli� que l'Universit� avait soumis sa candidature � ce prix. Flatt� ensuite. Finalement l�g�rement inquiet. �L'an dernier, j'ai �t� re�u membre de l'Acad�mie des sciences de la Soci�t� royale du Canada et puis cette ann�e, c'est l'ACFAS qui me d�cerne un prix. En g�n�ral, lorsqu'on vous honore comme �a, c'est que la sortie n'est plus tr�s loin. J'esp�re que ce ne sera pas mon cas!�
Du cerveau au cerveau
Vue dans le r�troviseur du temps, la carri�re d'Andr� Parent semble avoir suivie une trajectoire digne des grands strat�ges de la planification. Une ligne dominante: le cerveau, plus pr�cis�ment une partie du cerveau, les ganglions de la base, contr�lant le comportement psycho-moteur et la planification du mouvement. Puis des variations en crescendo sur ce th�me. D'abord, anatomie �volutive des vert�br�s, puis, en modulations, recherches chez les primates, et enfin, finale en point d'orgue sur l'�tude du cerveau de l'homme. Dans les faits pourtant, rien de tout cela n'a �t� planifi� au d�part, assure Andr� Parent. �Ma motivation en tant que chercheur est l'avancement des connaissances fondamentales sur le fonctionnement du cerveau. Mes int�r�ts de recherche ont tout simplement �volu� en fonction de cette d�marche.�
Fils a�n� d'une famille de quatre enfants, Andr� Parent a grandi dans un quartier modeste de Montr�al. �l�ve disciplin�, si on exclut les incontournables frasques de l'adolescence, il r�ussit bien en classe et opte pour la biologie � l'Universit� de Montr�al. L'un de ses professeurs, Paul Pirlot, lui fait d�couvrir l'anatomie compar�e qu'il appliquera par la suite � l'�tude de l'�volution du cerveau. Apr�s le bac, il s'inscrit aux �tudes sup�rieures � l'Universit� Laval o� travaille l'un des rares experts qu�b�cois en neurologie de l'�poque, Louis J. Poirier. Il termine son doctorat en 1970 et apr�s un stage d'�tudes post-doctorales au Max-Planck Institute d'Allemagne, il revient � l'Universit� Laval en 1971 pour occuper un poste de professeur � la Facult� de m�decine.
L'antistar
Personne ne pourra accuser Andr� Parent de manquer d'humilit�. Le star system de la recherche le rebute, parcourir le monde pour jouer les m'as-tu-vu dans les congr�s internationaux l'ennuie et travailler � am�liorer sa cote de chercheur en publiant des articles � la cha�ne dans des revues � haut facteur d'impact l'horripile. �Je sais qu'il faut jouer ce jeu dans une certaine mesure mais je pr�f�re de loin rester au labo pour travailler avec mes �tudiants-chercheurs. Si jamais je suis arriv� � quelque chose dans ma carri�re, c'est en grande partie � eux que le je dois. J'ai eu la chance d'avoir de tr�s bons �tudiants-chercheurs avec qui j'ai �norm�ment appris.�
M�me s'il a publi� son lot d'articles scientifiques, dont certains dans les plus prestigieuses revues de son secteur, Andr� Parent n'est pas un ardent d�fenseur du �publish or perish�. S'il �tait ma�on, plut�t que de se h�ter � ajouter rang�es de briques sur rang�es de briques, il s'arr�terait souvent pour prendre quelques pas de recul afin de bien juger du travail accompli et de mieux planifier celui qui reste � faire. Au cours des dix derni�res ann�es, alors que la pression de publier grandissait avec l'accroissement de la comp�tition pour les fonds de recherche, Andr� Parent a publi� deux ouvrages de r�f�rence en neurobiologie. Une d�cision qui, dans une logique b�tement comptable, �quivaut � travailler � perte puisque le cours du livre sur le march� de la recherche est en chute libre. Le premier, Comparative Neurobiology of the Basal Ganglia, publi� en 1986 chez John Wiley & Sons de New York, r�capitule les connaissances sur le sujet auquel il a consacr� la premi�re partie de sa carri�re. Le second, Human Neuroanatomy, qui sortira des presses cet automne, est une r��dition d'un ouvrage de 1000 pages fr�quemment utilis� comme livre de r�f�rence dans les universit�s nord-am�ricaines. � la demande de l'�diteur am�ricain Williams et Wilkins, Andr� Parent a accept� de r�viser de bout en bout cette bible neurobiologique. �Je sais que ces ouvrages ne p�sent pas lourd dans l'�valuation des conseils subventionnaires mais je les ai �crits parce que je ressens p�riodiquement le besoin de faire la synth�se des connaissances acquises et r�diger un livre est un excellent moyen d'y parvenir.�
Fondamental
Le recul qu'Andr� Parent a pris pour r�aliser ce dernier ouvrage lui a r�v�l� une v�rit� criante: on ne sait pratiquement rien du cerveau humain. �Environ 80 % de ce que l'on conna�t provient de la transposition � l'homme de connaissances acquises chez l'animal. Ce que mes premi�res recherches en anatomie compar�e m'ont apprises, c'est que ces transpositions directes sont pour le moins hasardeuses.� � 50 ans, Andr� Parent modifie donc � nouveau la trajectoire de sa carri�re pour s'attaquer � ce qui pourrait devenir le plus grand d�fi de sa vie. �Avec le vieillissement de la population, il est plus important que jamais de comprendre les maladies d�g�n�ratives du cerveau telles que le Parkinson, l'Alzheimer et la maladie de Huntington, si on veut que les ann�es qui s'ajoutent � l'esp�rance de vie de la population soient des ann�es de qualit�.�
Dans la m�me foul�e, le chercheur caresse le r�ve de cr�er au cours des prochaines ann�es une Unit� de recherche exclusivement vou�e au cerveau humain qui r�unirait toutes les forces vives de l'Universit� int�ress�es par le sujet. Mais le financement de recherches fondamentales de ce genre le pr�occupe. �Je pense que les organismes subventionnaires font une grave erreur en r�duisant l'appui financier � la recherche fondamentale. Je comprends qu'il faut encourager la recherche appliqu�e et la production de m�dicaments, que �a g�n�re des retomb�es �conomiques importantes. Mais, si on continue � couper dans la recherche fondamentale, on risque, � moyen ou � long terme, d'avoir � se priver de ces retomb�es parce qu'il n'y aura tout simplement plus rien � appliquer.�
JEAN HAMANN
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