30 mars 1995 |
Id�es
LES PRINCIPES FONDATEURS
DU PROJET QU�B�COIS DE SOCI�T�
M�moire
pr�sent� par un groupe de professeurs de la Facult� de th�ologie lors de la Consultation sur l'avant-projet de loi sur la souverainet� du Qu�bec.
Le 6 d�cembre dernier, le Premier Ministre du Qu�bec conviait les citoyens et citoyennes du Qu�bec � �se faire d�put�s� en participant � une vaste consultation populaire sur ce que nous estimons important de voir inscrire dans une loi qui d�finirait le projet qu�b�cois. Cette invitation a incit� un groupe de th�ologiens et de th�ologiennes � se r�unir pour apporter une contribution particuli�re � la r�flexion collective.
Dans le cours laps de temps dont nous disposions, il nous a sembl� que notre contribution propre devait porter sur les fondements d'une soci�t� et d�crire les lieux d'enracinement de tout projet collectif. En ce sens, il nous a sembl� que, dans l'�ventualit� o� la soci�t� qu�b�coise d�cidait clairement de s'engager sur la voie de la souverainet� politique, sa loi fondamentale devrait comporter un pr�ambule �non�ant des principes qui sont ant�rieurs � l'exercice du droit � la souverainet� nationale.
Nous sommes des hommes et des femmes dont la profession et la vocation consistent � interpr�ter les rapports qui se nouent, aujourd'hui comme hier, entre les expressions du sacr� et les formes d'organisation sociale, entre les croyances et les comportements, entre l'h�ritage du pass� et les projets d'avenir. C'est pourquoi, il nous para�t important que l'�nonc� d'un certain nombre de principes fondateurs de toute soci�t�, y compris la n�tre, fasse partie de notre r�flexion et se retrouve, sous une forme ou sous une autre, en t�te de ce projet de soci�t�.
D'abord, il est essentiel, dans le pr�sent exercice, que l'identit� de la soci�t� qu�b�coise ne soit pas comprise comme une identit� ethnique. Cette soci�t� d�borde les fronti�res des clans, des parent�s, des petites patries. Il nous faut affirmer que si notre soci�t� a acquis la consistance d'un peuple et la coh�rence d'une soci�t� globale, cette volont� de vivre ensemble repose sur des valeurs sup�rieures � l'ethnie et au d�sir d'imposer la loi d'un �tat. Il est n�cessaire de fonder l'�tat sur un principe qui d�passe et surmonte les individus particuliers et les communaut�s qui se forment dans le cours de l'histoire.
Pour notre part, nous n'h�sitons pas � affirmer que notre projet de soci�t� n'est pas seulement un projet politique. Le projet politique est second par rapport au projet de r�aliser une humanit� int�grale. La vocation humaine d�passe le politique. Pour le dire autrement, le projet politique doit �tre mis au service de la r�alisation optimale de l'humain. Ainsi, la formulation d'un projet politique devrait d'abord s'appuyer sur ce qui fonde la dignit� et la valeur absolue de l'�tre humain.
Quant � nous, il nous para�t que l'affirmation de la supr�matie de Dieu, au-del� de toute confession religieuse particuli�re, constitue le fondement premier de la vie et de l'existence, individuelle ou collective, pour une pluralit� d'hommes et de femmes sur la terre. L'affirmation de cette transcendance ne sera pour certains que l'expression symbolique de valeurs sup�rieures tandis qu'elle repr�sentera pour d'autres la foi en un Dieu personnel qui fonde l'existence. L'important est que soit affirm�e une r�alit� transcendante par rapport aux projets particuliers et marqu�s par le temps.
De cette premi�re affirmation en d�coule une deuxi�me: la vie humaine est re�ue et donn�e comme une r�alit� qui vient � travers nous mais qui ne vient pas simplement de nous. La destin�e humaine d�passe chaque individu mais chaque individu a sa vocation propre, qui est sa mani�re unique de r�aliser son projet de vie. Nous devrons donc affirmer non seulement notre respect pour la vie humaine et l'environnement de l'�tre humain, mais notre attachement � la protection et � la mise en valeur de tous les droits qui permettent l'�panouissement humain, en commen�ant par les droits des plus faibles.
Nous proposons donc que le pr�ambule d'une �ventuelle loi fondamentale d'un �tat qu�b�cois souverain comporte d'abord l'�nonc� des fondements premiers et ensuite l'�nonc� des fondements historiques. Parmi les fondements historiques qui nous distinguent comme peuple, nous tenons � ce que soit mentionn� le fait que toutes les populations habitant le territoire qu�b�cois sont immigrantes. Nous souhaitons aussi que soit soulign�e la valeur de l'h�ritage jud�o-chr�tien dans notre histoire. Cet h�ritage ne d�termine pas seulement des comportements religieux mais, plus globalement, une identit� socioculturelle et tout un imaginaire collectif.
Nous laissons � d'autres sp�cialistes le soin de d�finir le projet politique particulier qui peut le mieux r�pondre aux aspirations de la soci�t� qu�b�coise. Cependant, pour rendre plus concr�te notre contribution, nous avons esquiss� ici les premiers �l�ments d'un projet de pr�ambule que nous soumettons � la Commission.
Nous proposons donc la formulation suivante des fondements premiers et des fondements historiques de la loi fondamentale du Qu�bec:
Pr�ambule de la loi fondamentale du Qu�bec
1. Les fondements premiers
1.1 Le principe divin � l'origine de la vie individuelle et de l'organisation sociale est ant�rieur � la volont� et � la d�cision des �tres humains.
1.2 Les collectivit�s humaines partagent la responsabilit� de favoriser l'�panouissement de chaque personne et de cr�er les conditions d'un d�veloppement int�gral.
1.3 Il d�coule de ce qui pr�c�de des principes �thiques, sociaux et politiques qui sont reconnus dans la D�claration universelle des droits de l'homme promulgu�e par l'Organisation des Nations Unies.
1.4 Tous les individus ont des droits �gaux quels que soient leur sexe, leur culture, leur langue, leur religion ou leur statut �conomique.
2. Les fondements historiques
2.1 Les hommes et les femmes qui demeurent sur l'actuel territoire du Qu�bec ou qui y sont n�s sont les successeurs des diverses populations qui sont venues s'y �tablir depuis plusieurs si�cles ou m�me des milliers d'ann�es.
2.2 Au cours des derniers si�cles, les multiples regroupements des descendants de ces populations et les nouveaux venus ont rendu possible l'�mergence d'une soci�t� globale, dot�e de traits socioculturels, politiques et �conomiques particuliers.
2.3 La soci�t� ainsi form�e, tout en demeurant diverse et ouverte, a atteint un degr� de coh�rence qui lui conf�re les attributs d'un peuple distinct par son histoire largement tributaire de la tradition jud�o-chr�tienne, sa langue principale et sa culture pluraliste. Comme peuple distinct, cette soci�t� a assum� et assume la responsabilit� de son d�veloppement et de son avenir.
Raymond Brodeur MARC PELCHAT
Anne Fortin-Melkevik LOUIS O'NEILL
Alain Faucher RAYMOND TRUCHON
Anne Pasquier MARCEL VIAU
Marie-H�l�ne Carette GILLES ROUTHIER
Jean-Paul Rouleau
Jean Richard
Lucien robitaille
Pierre Gaudette PIERRE-REN� C�T�
REN�-MICHEL ROBERGE
PAUL-EUG�NE COUTURE
BENO�T LEMAY