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23 mars 1995 ![]() |
PRESSE
Titraille ou grisaille?
Les manchettes des quotidiens sont-elles toujours ce qu'elles devraient �tre?
Les dilettantes les parcourent d'un oeil distrait avant de refermer leur journal. D'autres les scrutent � la loupe, � la recherche de la moindre distraction du chef de pupitre, tandis que les lecteurs press�s les utilisent pour s�lectionner les articles qu'ils vont lire. Comme les v�tements ou la philosophie, les titres des quotidiens ont leurs �coles de pens�e, leurs grands courants et leurs modes.
Court, pr�cis, nerveux, voil� comment les d�finissent les sp�cialistes de la question qui pr�conisent des titres brefs et frappants. Mais, de la th�orie au pupitre, le chemin semble pav� d'emb�ches car les longs titres pullulent dans les journaux. Voil� un des principaux constats qu'a tir� Ginette Demers de l'examen attentif des 682 titres relatifs � l'actualit� internationale dans les principaux quotidiens canadiens d'information g�n�rale pendant huit jours, ainsi que dans le Times et le journal Le Monde. La professeure au D�partement de langues et linguistique de la Facult� des lettres vient en effet de publier une �tude sur les titres de presse dans Meta, une revue sp�cialis�e en traduction.
Ginette Demers a concentr� son �tude sur l'examen du Devoir, de La Presse, de The Gazette et du Globe and Mail, car ce sont des journaux � vocation nationale ou provinciale par opposition � des medias plus r�gionaux. Dans un premier temps, elle a constat� que le titre constituait vraiment une entit� autonome. En effet, m�me les textes traduits de l'anglais, en particulier dans le cas de d�p�ches d'agences de presse, ou inspir�s par d'autres articles r�dig�s en fran�ais, b�n�ficient d'un titre original qui, la plupart du temps, se d�marque de la traduction litt�rale.
La chercheure a remarqu� �galement que les titres de sept ou huit mots abondent et que les journaux francophones n'h�sitent pas � utiliser des phrases compl�tes, allant parfois jusqu'� utiliser deux, trois, voire quatre propositions. Il faut dire que cette tendance � la longueur s'affiche surtout pour les articles d'actualit� internationale o� les titres informatifs doivent r�pondre avant tout aux questions essentielles: qui, quoi, comment, o�, quand?
Dans son �tude, Ginette Demers rel�ve quelques diff�rences entre les titres anglais et fran�ais. Les journaux anglophones pratiquent souvent l'ellipse des articles, utilisent presque exclusivement le pr�sent afin �de conserver � la nouvelle sa fra�cheur premi�re�, et suppriment volontiers le verbe, ce qui refl�te le caract�re t�l�graphique des d�p�ches d'agence. Au contraire, les quotidiens francophones n'admettent pas l'omission de l'article, sauf dans des cas tr�s pr�cis o� il s'agit du premier nom de ce genre d'�nonc� ou encore �dans le cas d'un nom mis en �vidence par les deux points�, comme l'explique la professeure. Par contre, l'anglais et le fran�ais partagent ensemble un go�t immod�r� pour les titres informatifs, o� les images ou les ambiguit�s brillent par leur absence. Il y a fort � parier que la recherche de Ginette Demers aurait abord� des th�mes diff�rents si elle avait examin� les titres d'acutalit� locale ou ceux des �ditoriaux, souvent plus percutants. Peut-�tre l'objet d'une nouvelle �tude?
PASCALE GU�RICOLAS