25 mai 1995 |
A LA FACULT� DE M�DECINE
D�couverte d'un virus g�ant
Apparu il y a au moins deux milliards d'ann�es et cinq fois plus grand que ses semblables, le virus Bace-11 fait figure de dinosaure dans son esp�ce.
Un chercheur de la Facult� de m�decine, Hans-Wolfgang Ackermann, et deux microbiologistes de l'Universit� de Kyushu au Japon, Sadazo Yoshino et Seyia Ogata, viennent de d�crire une nouvelle esp�ce de virus dont la taille d�passe d'environ cinq fois celle des virus moyens. En fait, sa grande taille - tout est relatif puisqu'� 580 nanom�tres, elle est tout de m�me 200 fois plus petite que l'�paisseur d'une feuille de papier ou seize fois plus petite qu'un globule rouge - la placerait parmi les deux plus grandes esp�ces de virus connues. La description et les photos de cette esp�ce, que les chercheurs ont baptis� Bace- 11 en l'honneur de la bact�rie qui lui sert d'h�te, apparaissent dans le dernier num�ro du Canadian Journal of Microbiology (mars 1995).
Pour les Ninja Turtles?
Les chercheurs ont d�couvert ce virus dans des �chantillons d'eaux d'�gout. Bace-11 vit et se multiplie gr�ce � la m�canique cellulaire de ses h�tes, des bact�ries du genre Bacillus. On ne le retrouve pas chez les �tres humains. Outre sa taille, ce virus a la particularit� d'�tre apparu relativement t�t dans le cours de l'�volution. �On estime qu'il existait il y a deux milliards d'ann�es, ce qui en fait une sorte de fossile vivant�, dit Hans Ackermann.
C'est gr�ce � un heureux concours de circonstances que les trois chercheurs sont parvenus � inf�rer l'�ge de cette esp�ce. En effet, il y a quelques mois, les coll�gues japonais du professeur Ackermann lui faisaient parvenir un manuscrit d�crivant une nouvelle esp�ce de virus ayant une grande queue termin�e par trois filaments mais ne poss�dant ni t�te, ni d'ADN. Dans la nature, l'ADN de ce type de virus, appel� virus d�fectueux par les sp�cialistes, ne se retrouve qu'int�gr� au bagage g�n�tique de ses h�tes, des bact�ries ana�robies du genre Clostridium. Les g�nes du virus commandent � la bact�rie de fabriquer ces queues caract�ristiques d�pourvues de vie. Au m�me moment, un laboratoire f�d�ral canadien faisait parvenir au professeur Ackermann un �chantillon de virus � identifier. �Dans cet �chantillon, il y avait 11 esp�ces relativement communes et une douzi�me tr�s particuli�re. D�s que j'ai vu cette longue queue tr�s caract�ristique termin�e par trois longs filaments, j'ai tout de suite pens� qu'il devait y avoir un lien entre ce virus et celui d�couvert par les chercheurs japonais.� Un virus fonctionnel
Diff�rences notables par contre, le virus d�couvert dans l'�chantillon canadien �tait fonctionnel et poss�dait une t�te et de l'ADN. De plus, ses h�tes �taient des bact�ries a�robies du genre Bacillus . �Notre hypoth�se est que les deux esp�ces de virus sont apparent�es et qu'elles existaient d�j� chez l'anc�tre commun des bact�ries Clostridium et Bacillus . Or, les bact�ries a�robies seraient apparues sur Terre lorsque le contenu en oxyg�ne de l'atmosph�re a atteint un seuil �profitable�. Ce seuil, �tabli � environ 2 %, aurait �t� atteint il y a 2 milliards d'ann�es. Il est probable qu'apr�s la s�paration de Clostridium et de Bacillus, le virus de Clostridium a subi une mutation qui l'a rendu d�fectueux. La queue de ces deux virus est cependant demeur�e inchang�e depuis au moins deux milliards d'ann�es ce qui constitue un exemple remarquable de conservation morphologique�.
La d�couverte de nouvelles esp�ces de virus n'est pas un �v�nement extraordinaire en virologie, dit Hans Ackermann. �Si on se donnait la peine de chercher, on trouverait sans doute beaucoup de nouvelles esp�ces. Nous connaissons assez bien les virus humains bien qu'il y ait parfois des surprises comme le virus du sida et celui d'Ebola. On conna�t un peu les virus des animaux et des plantes domestiques mais on ne sait pas grand chose des virus des autres �tres vivants. La virologie n'en est encore qu'� ses d�buts et elle nous r�serve encore bien des surprises.�
JEAN HAMANN
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