8 juin 1995 |
R�USSIR SA SORTIE
Face � la mort - et souvent bien avant de l'affronter - de plus en plus de personnes �mettent leurs directives de fin de vie. Comment se comportent les professionnels de la sant� dans ces situations tr�s complexes?
En mati�re de directives de fin de vie, les patients se demandent souvent si leurs derni�res volont�s vont �tre respect�es par le personnel m�dical. Lors d'une �tude effectu�e par le Groupe de recherche en bio�thique et sant� (GRBS), les chercheurs ont d�montr� qu'il pouvait exister une diff�rence significative entre l'attitude des professionnels de la sant� et leur comportement. Avec l'av�nement d'outils m�dicaux de plus en plus perfectionn�s qui repoussent toujours plus loin les fronti�res de la mort, certains patients ont d�cid� de prendre des mesures pour exprimer � l'avance leurs volont�s concernant les derniers moments de leur existence. Ces documents prennent g�n�ralement la forme d'un testament de vie, dans lequel une personne indique, par exemple, ne pas vouloir recevoir de traitement chimioth�rapique en cas de cancer, ou d'un mandat permettant de d�signer un mandataire charg� de prendre les d�cisions pour la personne devenue incapable de le faire. Seul le mandat, r�dig� en respectant une certaine proc�dure et sign� par deux t�moins, a valeur l�gale.
Ce type de document, qui existe depuis la fin des ann�es 70 aux �tats-Unis, prend de l'expansion au Qu�bec mais aucune �tude empirique n'existait encore sur le sujet. Le GRBS a donc cherch� � corriger cette lacune en �tudiant et en comparant les attitudes du personnel m�dical et des usagers face aux directives de fin de vie. Les membres de l'�quipe ont pr�sent� les r�sultats de cette �tude lors d'un r�cent colloque organis� conjointement par le GREBS et l'�cole des sciences infirmi�res, qui r�unissait des infirmi�res, des m�decins, des administrateurs de centres hospitaliers et des membres du Barreau.
Une connaissance limit�e
L'enqu�te, financ�e par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, a d�montr� qu'une forte proportion de professionnels interrog�s connaissait l'existence des directives de fin de vie, soit 95 % des personnes interrog�es. Mais une analyse plus pointue indique que cette connaissance demeure limit�e. Par exemple, les professionnels ignorent bien souvent quel document a valeur l�gale. Par ailleurs, seulement 46 % des m�decins de l'�chantillon et 34 % des infirmi�res ont d�j� soign� des patients qui avaient sign� ce genre de document. Les chercheurs ont �galement tent� de comprendre les motivations qui pouvaient pousser le personnel soignant et les administrateurs � respecter les directives de fin de vie, ou les usagers � les signer. L'autonomie, c'est � dire la capacit� pour le malade d'exercer son libre choix, vient en t�te des valeurs privil�gi�es par les signataires, les m�decins, les infirmi�res ou les administrateurs.
Par contre, le comportement des m�decins face aux directives de fin de vie semble se d�marquer de leur attitude. Dans l'�tude, ils reconnaissent en effet que les normes externes, soit les consid�rations d'ordre l�gal comme le d�lai �coul� entre la signature d'un testament et le moment o� il s'appliquerait, peuvent influer sur leur d�cision de respecter ou non les directives de fin de vie. Les m�decins peuvent en effet �prouver des craintes face � d'�ventuelles poursuites de la famille, lorsque cette derni�re consid�re que le malade aurait pu encore vivre quelque temps si les traitements avaient �t� poursuivis.
La peur de mal mourir
Selon Danielle Blondeau, professeure � l'�cole des sciences infirmi�res et membre du GREBS, ce d�sir des usagers de trouver des formules toujours plus perfectionn�es de fin de vie trahit une crainte devant la m�decine. �Les gens se sentent isol�s et ont peur de mal mourir, souligne-t-elle. Si des relations de confiance entre les patients et leur m�decin �taient suffisamment fortes, le recours � de telles directives serait superflu.� Au fil de l'�tude, les chercheurs en sont venus � la conclusion que la d�signation d'un mandataire, qui agit dans l'int�r�t de l'usager, peut s'av�rer une solution plus profitable qu'un testament de fin de vie, trop g�n�ral ou trop limitatif. � condition toutefois de choisir une personne mandat�e en qui le patient a enti�rement confiance et qui connaisse ses voeux en mati�re de traitement. Curieusement, l'�tude a montr� qu'une proportion significative d'usagers pr�f�re remettre sa vie entre les mains d'une parent� �loign�e, oncle, tante ou m�me voisin, de pr�f�rence � des amis.
PASCALE GU�RICOLAS