8 juin 1995 |
RECHERCHE
Yama, messager de la mort
La d�couverte d'une enzyme jette un peu plus de lumi�re sur le myst�rieux ph�nom�ne de l'apoptose.
En septembre dernier, les chercheurs Guy Poirier et Serge Desnoyers de la Facult� de m�decine (CHUL), en collaboration avec des chercheurs de la John Hopkins School of Medicine, publiaient dans la v�n�rable revue Nature un article faisant �tat de la d�couverte d'une enzyme qu'ils soup�onnaient de jouer un r�le essentiel dans l'enclenchement du processus d'apoptose ou mort cellulaire. La semaine derni�re, les deux chercheurs et une �quipe de la Michigan Medical School (M. Tewari, K. O'Rourke, Z. Zeng, D. Beidler, V. Dixit) et du Duke University Medical Center (L. Quan, G. Salvesen) ont r�cidiv� en publiant dans la revue Cell, la bible de la biologie cellulaire et mol�culaire, des donn�es identifiant clairement cette enzyme et d�montrant avec certitude qu'elle intervient dans le m�canisme de mort cellulaire.
Les chercheurs ont nomm� cette enzyme �Yama� en l'honneur du dieu de la mort chez les Hindous. Il semble que, dans la cellule, Yama soit synth�tis�e sous une forme inactive ce qui laisse supposer l'existence d'une autre enzyme charg�e de son activation et agissant en amont dans la cascade de r�actions conduisant � l'apoptose. Yama serait cependant un interm�diaire important dans ce processus puisqu'elle porterait le coup fatal � la cellule.
L'enzyme fatale
Lorsqu'une maladie ou un agent agresseur cause un bris d'ADN, une enzyme appel�e PARP (poly (ADP-ribose) polym�rase) se fixe bri�vement � la cassure et donne le coup d'envoi � l'op�ration de r�paration. Par contre, lorsque les dommages sont importants et qu'il y a risque que l'ADN endommag� provoque des mutations ou des cancers si la cellule est r�par�e et qu'elle se multiplie, le m�canisme d'apoptose s'enclenche de la fa�on suivante. Un m�canisme encore non �lucid� provoque l'activation de l'enzyme Yama qui, � son tour, coupe l'enzyme PARP stoppant ainsi la r�paration de l'ADN et poussant la cellule vers la sortie finale. Il semble que l'apoptose soit une r�ponse d'autoprotection qu'ont d�velopp�e les �tres vivants au cours de l'�volution. Rappelons que l'apoptose d�crit un mode de mort des cellules qui survient, par exemple, dans l'�volution de certaines maladies comme le SIDA, l'Alzheimer, le Parkinson, le lupus, la r�tinite pigmentaire, etc. Elle survient aussi apr�s que des cellules aient �t� expos�es � des substances toxiques, � des rayons ultraviolets ou � des agents de chimioth�rapie. Le processus d'apoptose peut �tre stopp� par l'ajout d'inhibiteurs de Yama dans le milieu de culture, ont d�montr� les chercheurs.
Ces recherches, de nature essentiellement fondamentale au d�part, tiennent maintenant les compagnies pharmaceutiques en haleine puisque l'�ventuel contr�le du processus de mort cellulaire fait miroiter des profits se chiffrant dans les milliards de dollars. En effet, la possibilit� d'induire de fa�on tr�s cibl�e l'apoptose dans des cellules canc�reuses, des cellules qui ont en quelque sorte perdu la capacit� de mourir, ou encore de stopper la mort cellulaire dans des maladies comme le sida, l'Alzheimer ou le Parkinson, est consid�r�e de fa�on tr�s s�rieuse. �Les compagnies sont maintenant � l'aff�t de toutes les d�couvertes touchant les enzymes intervenant dans les stades pr�coces du processus de mort cellulaire. Il faut d'ailleurs s'attendre � ce que les prochains d�veloppements importants dans ce domaine soient l'identification d'inhibiteurs d'apoptose fonctionnant dans l'organisme humain�, pr�dit Guy Poirier.
JEAN HAMANN
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