22 juin 1995 |
HISTOIRE
Retour vers le futur
Ferm� d�finitivement depuis quelques semaines, le chantier-�cole de l'�lot Hunt a permis aux �tudiants en arch�ologie de faire avancer les connaissances sur la vie en Nouvelle-France.
Les arch�ologues n'ont aucune pudeur. Figurez-vous que pour mieux comprendre les moeurs de nos anc�tres de la Nouvelle- France et du Bas-Canada, ils n'h�sitent pas � fouiller dans leurs souvenirs les plus intimes, les d�chets. Depuis cinq ans, R�ginald Auger et Marcel Moussette, professeurs d'arch�ologie au D�partement d'histoire, organisent chaque �t� un chantier-�cole sur l'emplacement de l'�lot Hunt, derri�re le Mus�e de la Civilisation. Les fouilles, qui se terminaient d�but juin, ont permis de d�gager la structure d'une ancienne batterie de canons, devenue quelques ann�es plus tard un quai sur le fleuve. L'emplacement libre entre cette batterie et une seconde, �rig�e en 1759, a ensuite servi de puisard, afin de recevoir les eaux us�es des maisons environnantes.
�Au d�but du 18e si�cle, les occupants de la ville de Qu�bec ont construit des ouvrages d�fensifs avec des embrasures pour les canons, des massifs remblay�s sur le fleuve, raconte Philippe de Varennes, charg� de cours au D�partement d'histoire. Ils voulaient se prot�ger d'une �ventuelle invasion des Anglais.� L'espace commen�ait cruellement � manquer � cette �poque car la ville, tourn�e vers le commerce par voie maritime, se d�veloppait surtout autour de Place Royale. Limit�s par la falaise, les constructeurs n'avaient donc d'autres choix que d'�riger des remblais sur le Saint-Laurent, d'autant plus que les armateurs et les commer�ants appr�ciaient ces concessions si proches des amarrages de leurs bateaux.
Formation � la d�couverte
En 1991, les �tudiants en arch�ologie ont donc commenc� � mettre � jour, sous le stationnment de l'Auberge Saint-Antoine, les vestiges du site de la batterie, clairement identifi�e sur plusieurs illustrations anciennes. �t� apr�s �t�, ce chantier leur permet d'appliquer sur le terrain les techniques de fouilles en arch�ologie urbaine apprises en cours, mais aussi de faire des d�couvertes puisqu'ils ont identifi� les restes d'une autre batterie, construite � quelques m�tres de l'autre. Les r�sidents des maisons environnantes auraient ensuite utilis� l'espace entre les deux batteries comme champ d'�puration avant l'�poque pour recueillir les eaux us�es. Vers 1875, ce syst�me aurait �t� abandonn� au profit d'un syst�me de drains en bois qui acheminait directement les rejets des habitations vers le fleuve tout proche. Les r�sidents ont alors combl� le puisard en lui assignant la fonction de d�potoir.
En fait, cette fosse � d�chets pourrait devenir une v�ritable malle aux tr�sors pour les apprentis-arch�ologues. Un si�cle plus tard, ils reconstituent des dizaines d'assiettes, des bouteilles de bi�res en gr�s, des pichets, des encriers, des coquetiers... Allison Bain, qui entreprend un doctorat, a choisi pour sa part de travailler sur l'hygi�ne au 18e et au 19e si�cle en se penchant sur l'�tude des parasites. �Gr�ce aux oeufs de parasites conserv�s dans le limon, j'esp�re retrouver quels type de vers intestinaux affectaient les habitants des maisons et les animaux, explique-t-elle. Je vais �galement tenter une reconstruction environnementale en identifiant des col�opt�res. � chaque esp�ce correspond en effet un type de d�chet ou de sol particulier.�
Les fouilles autour de la Maison Hunt, au coin des rues Saint- Pierre et Saint-Antoine, ont permis aussi de jeter un nouvel �clairage sur l'architecture de cette maison � l'emplacement duquel se trouvait, avant les bombardements de 1759, la Maison Maillou. D'apr�s les recherches men�es par une �tudiante, la b�tisse � fa�ade anglaise �rig�e vers 1765 comprend deux murs de l'�poque fran�aise, caract�ris�s par une brique plus mince que celle utilis�e par les Britanniques. Un d�tail qui a son importance aujourd'hui puisqu'il va influencer la restauration men�e actuellement par l'Auberge Saint-Antoine, propri�taire des lieux. Les deux murs perpendiculaires � la fa�ade abriteront bient�t des chambres d'�poque d'inspiration fran�aise, et non anglaise, comme pr�vu au d�part. Qui a dit que les arch�ologues ne travaillaient que pour le pass�?
PASCALE GU�RICOLAS