22 juin 1995 |
L'UNIVERS DANS UNE BULLE DE SAVON
Selon Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique 1991, il faut, en priorit�, transmettre aux jeunes �une culture du bon sens�.
Discourir sur la naissance, la vie et la mort d'une bulle de savon pendant une heure est d�j� un tour de force. Mais le faire devant un auditoire critique compos� d'universitaires venus entendre quelque grandes v�rit�s sortir de la bouche d'un Nobel rel�ve presque d'une inconsciente t�m�rit�. Sauf lorsqu'on s'appelle Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique 1991.
Le 16 juin, lorsqu'il a prononc� les premiers mots de sa conf�rence sur les bulles de savon, ils �taient 250 � scruter celui qu'on a surnomm� le p�re des �crans cristallins liquides, se demandant de quoi peut bien �tre faite l'aur�ole d'un Nobel sp�cialiste de la mati�re molle. Une heure plus tard, ils �taient toujours 250, assis sur le bout de leur chaise, fascin�s par les grandes le�ons de science livr�es par de simples bulles de savon et conquis par la simplicit� et le ton bon enfant de ce jeune chercheur de 63 ans sur lequel le temps ne semble pas vouloir s'arr�ter. Mission accomplie, une fois de plus, pour Pierre-Gilles de Gennes.
Une passion contagieuse
Inventeur du concept de reptation des polym�res, Pierre-Gilles de Gennes s'int�resse � la mati�re molle, cette mati�re qui subit des modifications importantes en r�ponse � de tr�s faibles perturbations ext�rieures et � laquelle appartiennent les plastiques, les cristaux liquides et les interfaces comme... les bulles de savon. Venu � Qu�bec pour recevoir un doctorat honorifique de l'Universit� Laval et pour participer au Congr�s de l'Association canadienne de physiciens, Pierre-Gilles de Gennes est un habitu� des conf�rences publiques. En effet, malgr� les activit�s contraignantes que lui impose son travail de directeur de l'�cole sup�rieure de physique et de chimie de la ville de Paris et de professeur au Coll�ge de France, il consacre encore une partie de son temps � visiter les jeunes dans les lyc�es fran�ais en esp�rant leur transmettre son enthousiasme contagieux pour les sciences.
�L'enseignement des sciences est trop formel, en France du moins, d�plore-t-il. Il faut inculquer aux jeunes une certaine dose de culture scientifique, pas n�cessairement pour en faire des scientifiques mais pour les aider � faire des choix de soci�t� �clair�s sur des questions scientifiques. Pr�sentement, l'opinion publique est purement sentimentale sur les questions du nucl�aire et de l'�nergie. Il faut transmettre aux jeunes une culture du bon sens.�
Des scientifiques plus polyvalents
Le professeur de Gennes a rappel� qu'il n'y a pas si longtemps encore, les physiciens parvenaient � d�couvrir des choses fascinantes en utilisant de l'eau savonneuse et des montages exp�rimentaux co�tant moins de cent dollars. Il a m�me racont� comment, un jour, un autre chercheur lui avait signal� les grandes similitudes existant entre les ondes de choc provoqu�es sur une surface savonneuse et celles g�n�r�es par des explosions dans le d�sert du Nouveau-Mexique.
Ce qui l'am�ne � d�plorer l'hypersp�cialisation rapide vers laquelle les pressions sociales poussent les jeunes scientifiques et � plaider en faveur d'une formation plus g�n�rale. �La plupart des gens qui travaillent en sciences vont �tre appel�s � changer de travail au cours de leur carri�re. Il faut donc qu'ils acqui�rent lors de leurs ann�es de formation une culture scientifique g�n�rale et des connaissances qui puissent �tre transpos�es. La transposition des concepts acquis sera essentielle � leur passage entre les diff�rents domaines des sciences.�
JEAN HAMANN
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