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12 janvier 1995 ![]() |
DIPL�M�S
AU BON ENDROIT, AU BON MOMENT
En trois ans, Alain Madjin et Anne Demers sont devenus le �couple infernal� du lobbying sur la colline parlementaire.
Alain Madjin et Anne Demers auraient pu appeler leur entreprise �Le fil d'Ariane�, ou �L'�toile des marins� ou encore �La boussole des Bermudes�. Enfin, un nom qui �voque leur difficile mission de guides dans l'appareil administratif qu�b�cois. Mais ils ont pr�f�r� l'appeler �Orchestra�. Depuis trois ans, ces deux dipl�m�s de la Facult� de droit proposent � des groupes de pression, des PME, des associations, des cabinets de comptables ou d'actuaires, des industriels de faciliter leurs relations gouvernementales. En d'autres mots de les mettre rapidement en contact avec le fonctionnaire recherch� ou de leur fournir la documentation gouvernementale dont ils ont besoin.
Non pas en posant des micros dans les bureaux des ministres ou en approvisionnant les chefs de cabinets en r�frig�rateurs comme au temps de Duplessis, mais tout simplement en cherchant � la bonne place. Bien souvent, la lecture attentive des rapports, bottins, annuaires, �tudes produits par le gouvernement et mis gracieusement � la disposition des citoyens constitue une v�ritable mine de renseignements.
Une trajectoire inattendue
Rien, � priori, ne pr�disposait les deux associ�s, mari et femme dans la vie, � se lancer dans ce cr�neau tr�s particulier et � monter leur propre entreprise. Au contraire, bien des �l�ments les en �loignaient. �Je d�testais tout ce que les affaires impliquaient, remarque Anne Demers, en particulier voir ma m�re commer�ante faire des payes le soir.� Lorsqu'il suivait des cours d'administration publique � la Facult�, Alain Madjin r�vait pour sa part de pratiquer le droit dans un cabinet d'avocats, m�me s'il savait que la r�cession restreignait les offres d'emplois dans le domaine.
Aujourd'hui, les deux comp�res tirent beaucoup de satisfaction d'une profession ignor�e de la plupart des apprentis juristes. Anne Demers s'occupe de la comptabilit�, des comptes-clients ainsi que l'analyse et la classification de la documentation publique. Son conjoint travaille en contact �troit avec les fonctionnaires et se tient � l'aff�t des nouveaux projets gouvernementaux pouvant int�resser leurs clients. Et tous deux fr�quentent assid�ment les cocktails, les cinq � sept, les colloques. Non seulement pour se tenir au courant de la vie parlementaire et gouvernementale, mais �galement parce qu'ils appr�cient ce genre d'activit� sociale, sans aucune fausse honte.
Au bon moment
�J'aime les relations publiques, l'interaction avec les gens mais aussi l'implication sociale. Je trouve que c'est valorisant de faire avancer une cause gr�ce au b�n�volat. Mon m�tier correspond � ma personnalit�,� explique Alain Madjin, finaliste du Concours international d'art oratoire du Clup optimiste international. La mise sur pied d'Orchestra ressemble presque � un coup de d�s.
Mais un coup de d�s calcul�. En 1991, Robert Libman, qui dirigeait alors le Parti �galit�, demande au jeune dipl�m� de suivre pour lui les travaux de la commission parlementaire traitant de la modification de la loi 86 sur la Charte de la langue fran�aise. Sa formation en droit aide Alain Madjin � suivre les discussions alambiqu�es des avocats. De fil en aiguille, il d�croche d'autres contrats comme celui des producteurs de lait de consommation qui s'insurgent contre la mise en place d'un seul quota au Qu�bec. Finalement, en avril 1992 sa conjointe troque son poste d'inspecteur des douanes pour celui d'associ�e de l'entreprise en d�marrage.
Un m�tier d'interfaces
Aujourd'hui des cabinets d'actuaires, des entreprises productrices d'engrais chimiques, de mat�riel informatique, de biotechnologies s'adressent � eux pour pr�senter une demande de subvention ou simplement offrir ses services au gouvernement qu�b�cois. Avec une cagnotte de 12 milliards de dollars octroy�s chaque ann�e � des fournisseurs de produits et services, l'appareil �tatique provincial constitue un joueur incontournable de l'�conomie qu�b�coise. Mais encore faut-il savoir � qui s'adresser si on ne veut pas perdre des journ�es ou des semaines dans l'antichambre du minist�re ou de l'organisme concern�.
Alain Madjin se transforme donc parfois en courroie de transmission, et rencontre les fonctionnaires responsables qui s'appr�tent � lancer des appels d'offres pour la fourniture de tel ou tel �quipement. Patiemment, il tente de concilier le meilleur de l'administration publique et le meilleur de l'entreprise priv�e en informant les acheteurs potentiels des qualit�s du produit vendu par son client. Bien s�r l'achat final est toujours conditionnel aux r�ponses de l'appel d'offres, mais les param�tres retenus permettent parfois � Orchestra de faire pencher la balance du bon c�t�. Apr�s tout, les Anglo-saxons pratiquent le genre � Ottawa depuis plusieurs d�cennies. L'accession de Qu�bec au statut de capitale d'un pays � part enti�re donnerait sans doute un s�rieux coup de pouce aux affaires d'Orchestra.
PASCALE GU�RICOLAS