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9 f�vrier 1995 ![]() |
PAR LUC NOPPEN,
PROFESSEUR TITULAIRE � L'�COLE D'ARCHITECTURE ( * )
* Allocation de r�ception prononc�e en novembre 1994 devant les membres de la Soci�t� royale du Canada
L'apport britannique � l'identit� architecturale du Vieux-Qu�bec est majeur. Mais dans le contexte politique actuel, la lecture d'attributs identitaires d'origine britannique est un exercice peu populaire dans la vieille capitale.
Qu�bec se pr�sente aujourd'hui comme un monument de la pr�sence fran�aise en Am�rique du Nord. C'est d'ailleurs sous ce label -- doubl� de celui de ville fortifi�e-- que l'arrondissement historique du Vieux-Qu�bec s'est hiss� en 1985 au rang des monuments et sites inscrits sur la prestigieuse liste du patrimoine mondial.
S'il est vrai qu'aujourd'hui Qu�bec se vit et se lit en fran�ais, il n'en a pas toujours �t� ainsi. � quelques reprises, nous avons d�j� eu l'occasion de d�crire le long processus identitaire qui a �construit� cette image fran�aise, depuis l'�pisode de la Conf�d�ration qui a consacr� la dualit� canadienne. Pour m�moire, nous n'�voquerons ici que bri�vement les principales �tapes de cette construction de l'identit� fran�aise de la capitale de la province de Qu�bec.
D'abord, l'historicisme de la fin du XIXe si�cle a dot� � Qu�bec d'une image conforme au parcours historique dont on souhaitait l'investir, en y introduisant des b�timents et monuments qui citent abondamment les XVIe et XVIIe si�cles fran�ais. Puis, l'id�ologie lib�rale des Lomer Gouin et Louis-Alexandre Taschereau, anim�e par l'objectif d'un �tat la�que, a impos� aux institutions le mod�le fran�ais et aux �difices qui devaient les loger, l'architecture issue de l'enseignement de l'�cole des Beaux-Arts de Paris. D�s le d�but des ann�es 1930 aussi, les lib�raux de Taschereau ont cherch� � doter la province d'une capitale digne de ce nom, dont l'h�g�monie, log�e � l'enseigne de la continuit�, devait forc�ment s'ancrer dans le temps:
autour d'une nouvelle cit� administrative, on refrancise la ville, notamment sa toponymie, et on red�couvre la place Royale. Et � partir de la fin des ann�es cinquante, la modernit� nationale s'est affirm�e dans la conservation et la mise en valeur des t�moins de la glorieuse �poque de la Nouvelle-France. C'est dans ce contexte qu'est n�e l'id�e de reconstituer Place- Royale, d�sormais pr�sent�e comme �berceau de la civilisation des francophones en Am�rique du Nord�; ont suivi une kyrielle de restaurations reconstituant l'image d'une idyllique mais combien hypoth�tique Nouvelle-France.
Certes, cette construction identitaire s'ancrait � une originelle logique des lieux, � un espace-temps r�el dont l'�ge, de nature � �mouvoir les esprits f�rus d'anciennet�, accroissait sa valeur d'�chantillon aux yeux de ses �conservateurs�. Car la trame urbaine de Qu�bec, de fait, porte l'empreinte ind�l�bile de l'occupation fran�aise, et les usages traditionnels ont assur� la perp�tuation, bien au-del� de la Conqu�te, des architectures dont la silhouette et la sobri�t� rustique �voquent famili�rement le d�but du XVIIIe si�cle.
Reste n�anmoins que 90% des b�timents de l'arrondissement historique datent des XIXe et XXe si�cles et que, de ce fait, ils �chappent � la chronologie du R�gime fran�ais; n'y survivent de la Nouvelle-France que quelques traces et fragments, aux c�t�s d'�difices largement reconstruits ou reconstitu�s depuis la fin du XIXe si�cle. Le bilan est fort paradoxal:
objectivement parlant, les monuments les plus anciens du Vieux- Qu�bec, symbole de la pr�sence fran�aise en Am�rique du Nord, ressortissent au R�gime britannique. L'image fran�aise du lieu proc�de ainsi d'une intuition globale qui va bien au-del� de l'�ge du b�ti; elle n'aura acquis qu'au fil des ans, et a posteriori, le poids avec lequel elle se subroge � l'ensemble construit, dont elle contamine, voire gouverne d�sormais la lecture.
Un exemple suffira � cette premi�re d�monstration. Dans l'opinion publique, la cath�drale Holy Trinity de Qu�bec, construite de 1800 � 1803 sur la place d'Armes, arrive bien apr�s la cath�drale Notre-Dame, dont les d�buts remonteraient � 1647, et bien apr�s l'�glise Notre-Dame-des-Victoires qu'on dit dater de 1688. M�me l'�glise de l'H�tel-Dieu aurait �t� compl�t�e quelques mois avant ce monument protestant, d'ailleurs pr�cis�ment pour en concurrencer la nouveaut�. Du fait de ces datations, ces �glises catholiques et francophones ont �t� class�es monuments historiques en 1966, 1929, et 1961. Or un incendie a compl�tement ras� la cath�drale Notre-Dame en 1922;
on a enti�rement reconstruit Notre-Dame-des-Victoires en 1760 et 1818, pour la doter ensuite d'une nouvelle architecture int�rieure en 1854; m�me l'�glise de l'H�tel-Dieu s'est vue enti�rement remodel�e en 1830. Comptabilis�s les incendies, reconstructions, modifications et restaurations de ces �glises catholiques, aucun doute ne subsiste: la cath�drale Holy Trinity est la plus ancienne �glise qu'ait conserv� le Vieux-Qu�bec.
Pourtant ce n'est qu'apr�s la restauration de ces trois premi�res �glises que s'est r�v�l�e, r�cemment, la valeur d'�ge de la cath�drale Holy Trinity. Devenue par comparaison vieillotte et d�cr�pie, la cath�drale avait acquis une apparence d'�ge propre � �veiller les soup�ons de ceux que le pass� ou ses t�moins int�ressent. Or cette notori�t� nouvelle, puis la compl�tion d'�tudes historiques, ont d�voil� l'authenticit� du monument: non seulement son �ge �tait-il apparent, mais cet �ge �tait en outre r�el. La cath�drale Holy Trinity, d�sormais reconnue ancienne au regard du cadre comparatif �tabli, s'est retrouv�e class�e en 1989; sa toute r�cente restauration divulgue aujourd'hui sa valeur.
En marge d'un R�gime fran�ais ranim� puis r�nov�, la cath�drale Holy Trinity --son appellation courante de �cath�drale anglicane� trahit peut-�tre l'ostracisme qui l'a �cart�e des campagnes historicisantes ant�rieures-- met � jour une strate de l'histoire architecturale de Qu�bec que maintes restaurations avaient oblit�r�e. Cet �ge britannique du Vieux-Qu�bec, que la francisation a omis de �restaurer�, n'en d�termine pas moins le caract�re particulier d'un paysage b�ti consacr� sous d'autres banni�res. Au-del� des particularismes de datations ou de monuments ponctuels, l'h�ritage omnipr�sent de ces �Anglais� qu'on a pr�f�r� oublier permet seul d'�lucider l'originalit�, aujourd'hui, de cette ville dont on conviendra qu'elle a surv�cu � la Conqu�te.
La contribution des Britanniques � l'identit� architecturale du Vieux-Qu�bec se lit avant tout aux changements que leur arriv�e a introduits dans la mani�re d'habiter, dans le mode d'occuper l'espace et dans la fa�on de s'y repr�senter. Ces transformations ont durablement marqu� le paysage construit;
elles ont aussi, on le verra, model� les comportements culturels des francophones de l'Am�rique du Nord.
L'histoire de cet apport britannique commence autour de 1800: le gouvernement britannique, entendant alors s'y repr�senter ad�quatement, veille d'abord � la construction d'une image appropri�e de sa nouvelle capitale coloniale. Autour de la place d'Armes, les autorit�s entreprennent d'implanter quelques b�timents nouveaux, qui d�finissent dans le Vieux-Qu�bec un premier noyau institutionnel: le palais de justice, la cath�drale Holy Trinity, l'h�tel Union, le ch�teau Haldimand et le ch�teau Saint-Louis, remis au go�t du jour et exhauss� d'un �tage, partagent la m�me ascendance � l'architecture classique anglaise.
L'objectif des autorit�s britanniques est clair. En lieu et place d'une architecture qui, si elle descendait du classicisme fran�ais, s'�tait appauvrie lorsque prise en charge par des artisans laiss�s � eux-m�mes, et que, de surcro�t, les bombardements de la Conqu�te avaient s�v�rement malmen�e, les Britanniques choisissent d'instaurer une architecture plus achev�e, inspir�e par Andrea Palladio, architecte du XVIe si�cle italien. L'intention civilisatrice qui affleure dans cette m�tamorphose ressort clairement du discours prononc� en 1805, lors de la pose de la premi�re pierre de l'h�tel Union:
�On constate dans tous les pays que le perfectionnement de l'architecture va g�n�ralement de pair avec le d�veloppement de la civilisation et les progr�s de la science. Dans tous les pays o� l'on ne trouve que des constructions grossi�res et d�nu�es d'art pour le logement et la commodit� des habitants, on peut s'attendre � trouver la soci�t� dans un �tat grossier et inculte. Par l'am�lioration des constructions, il est possible de suivre de fa�on assez exacte les �tapes progressives franchies par la collectivit� au cours de son �volution..�
L'orateur encha�ne:
�Dans cette lointaine colonie de l'Empire britannique, nous ne pouvons pr�tendre rivaliser avec la m�re-patrie [la Grande- Bretagne], dans aucun des arts ni dans le raffinement de la vie. Gr�ce � ses soins attentifs, cependant, et sous son �gide, nous pouvons b�n�ficier de ses enseignements et de son exemple�
Puis au sujet des nouvelles constructions qui bordent la place d'Armes, il conclut:
�Ce n'est pas sans une certaine fiert� et une certaine satisfaction que nous notons le degr� de civisme que traduisent plusieurs �difices construits r�cemment dans la Province, de m�me que divers travaux publics qui ont �t� entrepris. Cela est de tr�s bon augure pour la prosp�rit� du pays, et laisse entrevoir un progr�s rapide du d�veloppement de la colonie�.2
Cette v�ritable mue du paysage construit en est aussi une de soci�t�. L'image, officielle, de la capitale de la Nouvelle- France �tait une vue a�rienne conventionnelle, n�e de la raison et de la convenance plus que de l'observation, repr�sentant la Haute-Ville et la Basse-Ville depuis un point de vue imaginaire. La capitale de la colonie britannique, � l'enseigne d'une r�alit� plut�t anglo-saxonne, est quant � elle repr�sent�e de l'int�rieur, o� le nouveau centre institutionnel occupe un espace privil�gi� de l'�tablissement.
L'�poque est aussi celle d'une entreprise appr�ciable: les ing�nieurs militaires s'affairent � doter Qu�bec d'une enceinte fortifi�e et d'une citadelle, ouvrages que les Fran�ais avaient esquiss�s sans jamais toutefois les mener � terme. Et ce sont ces fortifications, qui ont canalis� toutes les �nergies et les ressources de la capitale entre 1815 et 1830, qui ont aussi valu � Qu�bec, seule ville fortifi�e d'Am�rique du Nord, sa citation sur la liste du patrimoine mondial.
Avec eux les Britanniques apportent, comme le signalait l'orateur de l'h�tel Union, un nouvel art de vivre dans la colonie: ils y transposent l'habitat unifamilial auquel ils sont acquis depuis d�j� plus d'un si�cle. Ici la conception britannique se heurte � celle, plus ancienne, de l'habitat collectif, que la France avait h�rit� du monde m�diterran�en et am�nag� en unit�s d'habitation comme �l'appartement� et l'entit� �salle-chambre� des moins fortun�s, aux XVIe et XVIIe si�cles.
Tr�s �tonn�s de retrouver ici cet habitat qui leur para�t d�suet et propice � une intol�rable promiscuit�, les Britanniques vont couvrir la totalit� des secteurs non construits � l'int�rieur de l'enceinte fortifi�e d'habitations d'un type nouveau. Bien entendu, le paysage social britannique investit aussi l'habitat existant: ainsi quand les Parisiens, qui habitent des appartements, se retrouveront locataires des voitures � chevaux dont ils font usage, les Britanniques plieront le cadre b�ti de Qu�bec aux �quipages domestiques dont ils sont, quant � eux, propri�taires. Mais pour parsemer la ville des �l�gantes �curies priv�es qui accompagnent, dans ce syst�me, les maisons unifamiliales, encore fallait-il pr�voir l'acc�s des voitures et cal�ches � l'arri�re des terrains, lotis sous le R�gime fran�ais sans cette contrainte. De l� sont n�es ces portes coch�res, perc�es dans les fa�ades, qui animent toujours si typiquement les rues du Vieux-Qu�bec.
Quant � elles les nouvelles habitations des Britanniques sont d'abord des structures traditionnelles, d'un ou de deux �tages, dont l'enveloppe perp�tue une image famili�re mais dont la distribution int�rieure instaure le mode unifamilial. Puis, � partir de 1815-1820 apparaissent en nombre les maisons �georgiennes� et �londoniennes� qui h�ritent d'une forme plus reconnaissable, �loquente des vell�it�s d'introduire ici le syst�me des maisons en terrasse, formule sp�culative � l'origine de la cit� britannique.
Dans le Vieux-Qu�bec, les rues Saint-Ang�le, Saint-Stanislas, Sainte-Ursule, d'Auteuil, des Grisons, Mont-Carmel, Br�beuf, les avenues Sainte-Genevi�ve et Saint-Denis se composent d'habitations unifamiliales �rig�es durant les ann�es 1790-1850. Ces rues, tous en conviennent, donnent au Vieux-Qu�bec son unit�, engendrent l'homog�n�it� de ce que l'on appelle la �ville classique�. Elles se mod�lent sur le b�ti de la banlieue r�sidentielle de Londres. Les quartiers Westminster, Mayfair, Victoria, autour de la City marchande, mais aussi la New Town d'�dimbourg, fournissent l'exemple � l'habitat qui renouvelle l'image de la capitale du Bas-Canada.
Les nouveaux quartiers de la capitale se r�servent exclusivement � l'habitation et d�l�guent � d'autres secteurs de la ville les fonctions commerciales --port, march�s, manufactures-- qui prennent l� une densit� jusqu'alors inconnue. En m�me temps, les Britanniques instituent une �conomie fond�e sur l'�change de biens produits en fonction de la consommation pr�visible. Les march�s, d�s lors, se destinent aux seuls produits frais et en vrac, marchandises locales, tandis qu'un type d'�difice original loge la vente d'objets manufactur�s et import�s: le magasin. Le nouveau paysage commercial se d�finit d'abord par des enseignes (vers 1800); puis, les magasins s'ouvrent par des baies vitr�es arrondies � l'anglaise (vers 1820) et s'imposent finalement par la devanture commerciale qui caract�rise le type architectural nouveau, abritant un commerce au rez-de-chauss�e et une habitation unifamiliale � l'�tage.
Partant du march� de la Basse-Ville jusqu'au faubourg Saint- Jean, en passant par le march� de la Haute-Ville, les rues de la capitale du Bas-Canada se bordent d'�l�gantes devantures commerciales, formant le premier axe commercial, toujours le seul, du Vieux-Qu�bec. Maintes devantures de la rue Buade, de la c�te de la Fabrique et de la rue Saint-Jean t�moignent encore �loquemment de cette transformation des habitudes des consommateurs; et aujourd'hui plus que jamais, cette architecture de la premi�re moiti� du XIXe si�cle supporte l'activit� �conomique de l'arrondissement historique du Vieux- Qu�bec.
L'implantation de l'habitat unifamilial en milieu urbain et la sp�cialisation fonctionnelle des quartiers amorcent � Qu�bec un mouvement d'�talement urbain, ce que l'habitat collectif et la ville � fonctions mixtes du R�gime fran�ais �taient dispos�s � �viter. De la vision urbaine des Britanniques sont n�s les faubourgs, et l'occupation d'une p�riph�rie plus �loign�e, destin�e aux villas. Sans insister davantage sur ce d�ploiement clairsem� de l'activit� urbaine, il faut constater que c'est � peu pr�s la somme des espaces occup�s d�s 1830 par la ville, les faubourgs et les secteurs de vill�giature qui constitue aujourd'hui le territoire de la Communaut� urbaine de Qu�bec. N'eut �t� de cette croissance expansive l'on peut imaginer, en vertu de la conception m�diterran�enne de la ville, qui a pr�valu en France jusqu'au XIXe si�cle, que la ville de Qu�bec se serait sans cesse reconstruite � l'int�rieur de ses murs, comme un palimpseste, chaque �poque effa�ant la pr�c�dente.
Ainsi la contribution britannique � l'identit� architecturale du Vieux-Qu�bec se lit-elle d'abord au regard de la restructuration du paysage. � partir de 1800, la ville se scinde en secteurs d'activit� sp�cialis�s, et la population y habite par juxtaposition, non plus par superposition. Ceci engendre une expansion urbaine typiquement anglo-saxonne, � laquelle il faut cr�diter la survivance actuelle du centre historique ancien de Qu�bec, o�, quoique quelques logements aient densifi� les tr�s majoritaires maisons unifamiliales, les r�sidents ont conserv� cette habitude de ne pas habiter les rues commerciales. Rien ne ressemble donc plus au Vieux-Qu�bec que le quartier Beacon Hill de Boston, ensemble r�sidentiel du XVIIIe si�cle, auquel son anciennet� sur la sc�ne historique nord-am�ricaine, par cons�quent, d�cernerait ici la pr�s�ance.
Mais la comparaison des deux ensembles r�v�le des diff�rences. D'abord parce que les Britanniques qui am�nagent Qu�bec sont souvent des �cossais --ce qui n'�tait pas le cas plus t�t en Nouvelle-Angleterre--; leur poids politique est tel qu'ils obtiennent en 1809 la construction � Qu�bec de l'�glise presbyt�rienne St.�Andrew, au grand dam de l'�v�que anglican, Josaphat Mountain.
La tradition constructive lapidaire des Fran�ais trouve un �cho favorable chez ces marchands et constructeurs du nord de la Grande-Bretagne. Qu�bec demeure donc en pierre au XIXe si�cle, toutefois dans une palette de couleurs semblable � celle retrouv�e, plus t�t, � �dimbourg. Le blanc cr�me des laits de chaux fran�ais fait d'abord place au blanc bleut� de la vieille capitale �cossaise, ce qu'illustrent les nombreuses aquarelles de Cockburn en 1829-1830. Puis, le gr�s plus sombre des carri�res de Sillery et de Cap-Rouge appose sur les fortifications et sur les fa�ades des rues de Qu�bec les couleurs de la New Town d'�dimbourg. Vers la fin du XIXe si�cle, on repeindra m�me quelques �difices publics en brun, �voquant la brownstone des nouveaux quartiers d'�dimbourg et de Glasgow;
l'�migration des Britanniques toutefois, d�j� bien amorc�e � cette �poque, laissera aux villes de l'ouest de plus nombreux t�moins de cet engouement.
� Qu�bec, la r�f�rence �cossaise n'en �tait pas moins explicite:
planifiant la ville sur le plateau, hors des murs, l'administration municipale proclamera d'ailleurs son intention d'�tablir � Qu�bec une New Edimborough. C'est la Conf�d�ration, consacrant par la territorialit� les all�geances distinctes de la nation canadienne-fran�aise, qui rebaptisera le projet:
voisine de l'h�tel du Parlement de la nouvelle province, la New Edimborough devient les �Champs �lys�es� de Qu�bec. Du pass� qu�b�cois que l'on �tait � retracer, l'histoire, d�j�, pr�f�rait d'alternatives lectures.
Si depuis, le temps �coul�, l'�mergence d'une histoire critique, ont apport� quelque nuance � l'�pop�e qu�b�coise, il appert n�anmoins que les francophones de l'Am�rique du Nord, dont on convient certes d�sormais qu'il ne sont plus fran�ais, cherchent toujours, � l'heure des r�miniscences, une identit�. En ce qui concerne celle du paysage b�ti du Vieux-Qu�bec, l'envergure et la port�e de la contribution britannique que nous nous sommes attach�s � d�montrer resurgissent, aujourd'hui, dans l'intelligence m�me de la sp�cificit� des lieux.
Pourtant l'�pisode de la cons�cration de la cath�drale Holy Trinity, plut�t qu'inaugurer une histoire enrichie, reste � ce jour un cas d'esp�ce. � l'ombre du contexte politique actuel, la lecture d'attributs identitaires d'origine britannique est un exercice peu populaire dans la vieille capitale. Engag�e dans les ann�es 1960-1970 � reconstruire cette Place-Royale qui affirmerait le fait fran�ais en milieu urbain, --vengeance moderne contre l'id�ologie cl�rico-nationaliste qui en avait �tabli le si�ge mythique � l'�le-d'Orl�ans-- la nouvelle �lite nationaliste et traditionalisante est aujourd'hui fort active � compl�ter la francisation de Qu�bec. Et si une approche critique de la restauration renie d�sormais la construction, dans la pierre, de quelque mythologie nationale, l'histoire et la toponymie en ont apparemment repris le flambeau: ainsi le Mus�e du S�minaire a fait place au Mus�e de l'Am�rique fran�aise, pendant qu'un nouveau Mus�e de la Nouvelle-France attend pour na�tre les millions de l'�tat souverain. Rues et places, quant � elles, �pousent aussi la cause, substituant r�cemment, � la m�moire britannique qu'�voquaient quelques d�nominations historiques, des appelations plus �conformes� � l'image fran�aise.
Bastion de cette francit� totalitaire, Qu�bec, aujourd'hui priv�e d'options quant � ce que serait une nouvelle architecture respectueuse de cette lourde histoire, se retrouve en outre paralys�e sous le poids d'un h�ritage incertain. Et pendant qu'on ne construit plus � Qu�bec, l'app�tence de certains pour une histoire unilat�rale para�t menacer les subtilit�s d'un paysage caract�ris�, on l'a vu, par la superposition des histoires, des h�ritages, fran�ais ou britannique. � ces m�moires que ranime, chaque jour, l'environnement architectural, il serait fort d�solant que notre �poque ne l�gue que l'�dulcoration d'un pass� bien vainement mis � jour.